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Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/265

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peuple qui lui est confié, pour le plus grand profit de quelques marchands. Mais la Providence fait coopérer les passions et même les injustices des hommes à l’accomplissement de ses desseins. Dieu voulait humilier l’orgueil du peuple chinois, cet orgueil insensé qui lui fait regarder la Chine comme l’unique centre du monde, de la civilisation et de la science, cet orgueil ridicule qui lui permet à peine de soupçonner qu’il existe d’autres peuples, ou qu’ils puissent ne pas être ses vassaux et ses esclaves, cet orgueil satanique qui depuis tant de siècles lui fait rejeter le vrai Dieu et mépriser son Christ. La guerre de l’opium fut la première leçon donnée à cet orgueil, et par un contre-coup auquel ne pensaient nullement ses auteurs, elle commença à aplanir les voies aux prédicateurs de l’Évangile.

La France n’était pas mêlée à cette première querelle. Depuis la perte de ses colonies à la fin du xviiie siècle, on ne voyait que bien rarement son pavillon dans les mers d’Asie, où il avait si fièrement flotté autrefois. En cette circonstance cependant, le gouvernement de Louis-Philippe s’émut des événements qui se passaient à l’extrémité du monde ; afin de les surveiller et d’en tirer profit si possible, il envoya en Chine deux frégates : l’Érigone commandée par le capitaine Cécile, et la Favorite par le capitaine Page. L’Érigone jeta l’ancre dans la rade de Macao le 7 septembre 1841, au moment où la guerre était très-vivement poussée par les Anglais. Le capitaine Cécile chercha aussitôt à se rendre compte de l’état des affaires, et à examiner s’il pourrait retirer de son expédition quelque avantage pour le commerce et l’influence de la France. Il songeait à occuper quelque point important, par exemple l’une des îles situées au sud du Japon, pour en faire une position à la fois stratégique et commerciale. Il avait aussi l’intention de conclure des traites de commerce avec les royaumes voisins de la Chine, spécialement avec la Corée.

Dans ce but, en février 1842, il demanda à M. Libois, procureur de la congrégation des Missions-Étrangères à Macao, de lui confier pour quelque temps un des jeunes Coréens élevés chez lui, afin qu’il pût lui servir d’interprète dans le cas où il irait en Corée. M. Libois accepta avec joie cette proposition, espérant par là renouer les communications, interrompues depuis plusieurs années, avec l’Église de Corée. André Kim, l’un des deux élèves coréens, s’embarqua donc sur l’Érigone, et comme son office aurait été difficile à remplir, parce qu’il parlait très-peu le français et qu’il lui fallait se servir du latin pour interpréter le coréen,