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Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/412

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n’eussent pu nous faire rentrer dans notre cale. Ce voyage était le premier que notre navire faisait en Corée ; il fallut prendre au Chan-tong un pilote qui se fit payer fort cher et se donnait pour très-habile. Je veux bien croire que pendant onze années consécutives il avait, ainsi qu’il l’assurait, péché le hareng sur les côtes de Corée ; mais ce qui est bien certain aussi, c’est que de tant de voyages, il ne lui restait que le souvenir de les avoir faits. Nous avions à peine perdu de vue les montagnes de son pays, qu’il ne sut pas nous indiquer la route qu’il fallait tenir. Nous marchions donc à l’aventure, tantôt au nord, tantôt au midi.

« Le lendemain nous aperçûmes la terre. Quelle était cette terre ? À la manière dont nous avions gouverné, il était difficile de le savoir : Ce pouvait être le Léao-tong ou le Kiang-nan, tout aussi bien que la Corée. Mais le Seigneur avait lui-même dirigé le navire ; non-seulement c’était la péninsule désirée, c’étaient encore deux montagnes très-rapprochées l’une de l’autre, au milieu desquelles nous devions passer pour atteindre le rendez-vous qui nous était assigné, et où devait nous attendre un bateau préparé pour les missionnaires. Contrariés par le vent et des courants terribles, nous louvoyâmes pendant huit heures dans cette passe dangereuse ; notre capitaine, déployant cette fois une habileté que des marins européens eussent admirée, finit par triompher des obstacles, et, le 15, veille du dimanche des Rameaux, nous mouillions en face d’un gros village coréen.

« La première partie de notre course était accomplie ; restait la seconde, incomparablement plus difficile. Nous étions en Corée, mais non pas encore au milieu de nos néophytes ; nous avions encore cinquante lieues à faire pour arriver à la chrétienté la plus rapprochée, et, pour nous y rendre, il nous fallait rencontrer le bateau qu’on avait dû expédier à notre rencontre. M. Maistre qui, pendant dix ans, avec une constance vraiment héroïque, s’est présenté sur tous les points des frontières coréennes, M. Maistre était venu plusieurs fois à ce même point, et chaque fois, n’ayant pu rencontrer les hommes envoyés pour l’introduire dans la mission, il avait été forcé de retourner en Chine. Nous pouvions avoir le même sort. Pendant cinq jours, notre barque visita toutes les anses de ces îles, ayant à son mât un pavillon portant une grande croix, signal convenu auquel les chrétiens devaient nous reconnaître, et, pendant ces cinq jours, personne ne parut. Que faisait donc ce bateau ? Aurait-il péri dans les rafales des jours précédents ? Ou bien un redoublement