Page:Dante - L’Enfer, t. 2, trad. Rivarol, 1867.djvu/10

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fond de l’impur fossé : je crus voir alors le cloaque du monde.

La foule des ombres confusément jetées dans cet immense égout se soulevait péniblement hors de l’épaisse surface.

Une d’entre elles avait frappé mes yeux, et je la considérais ; mais je ne distinguais rien sur sa tête dégoûtante.

Ce malheureux me regarda à son tour et me cria d’une voix étouffée :

— Que trouves-tu dans moi plus que dans ceux-là ?

— Je pense, lui répondis-je, retrouver en toi Interminelli de Lucques [8] ; mais ce n’est plus là cette tête parfumée que j’ai connue jadis.

— Voilà, reprit-il en frappant son visage, où m’a conduit ma langue adulatrice, et ce que m’a valu l’encens dont j’enivrais les hommes [9].

Mon guide se tourna vers moi, et me dit :

— Jette les yeux plus loin, sur cette ombre échevelée qui s’agite et se déchire avec fureur : c’est l’infâme Thaïs, qui payait d’une parole les profusions de ses amants [10]. Mais quittons, il est temps, un spectacle trop immonde.