Page:Dante - L’Enfer, t. 2, trad. Rivarol, 1867.djvu/123

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avant et l’autre en arrière. Par quelle main fut enchaîné ce robuste colosse !

— Voilà, dit mon guide, l’audacieux qui s’éprouva contre l’Être suprême : Éphialte est son nom, et c’est lui qui signala sa force quand les géants assemblés alarmèrent les dieux. Il ne lèvera plus ces mains qui menacèrent le Ciel [6].

— Ne pourrais-je, lui dis-je alors, mesurer de mes yeux l’immense Briarée ?

— Dans peu, répondit le sage, tu verras Antée : libre comme nous, il pourra nous entendre et nous porter au fond de l’abîme. Mais celui que tu veux connaître est bien loin d’ici : semblable à Éphialte, et garrotté comme lui, son aspect est encore plus farouche.

Comme il parlait, Éphialte secoua sa chaîne, et, tel qu’un tremblement de terre, il ébranla les roches du puits, qui retentirent dans leurs profondeurs : j’eusse expiré d’effroi à ses pieds si la vue de ses fers ne m’eût rassuré ; mais le sage poëte ayant doublé le pas, je le suivis, et bientôt nous découvrîmes Antée, dont la stature dominait fièrement le contour du gouffre.

— Ô vous, qui terrassiez les lions d’Afrique dans cette vallée célèbre par la gloire de Scipion et la fuite d’Annibal, et qui seul auriez pu, dans le combat des géants et des dieux, donner la victoire aux enfants de la terre [7], daignez maintenant nous tendre vos bras se-