Page:Dante - L’Enfer, t. 2, trad. Rivarol, 1867.djvu/145

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il avait reçu tant de services, ou un autre Ptolomée qu’on trouve dans la Bible, et qui assassina le grand-prêtre, son bienfaiteur. On sait comment Tasse a imité la pensée qui termine cette description. « Armide voulait crier : Barbare, où me laisses-tu seule ? Mais la douleur ferma le passage à sa voix, et ce cri lamentable revint avec plus d’amertume retentir sur son cœur. »

[5] Albéric, de la famille Manfredi, à Faënza, fut de l’ordre des Frères joyeux : il était brouillé avec ses confrères depuis longtemps, lorsqu’un jour il feignit de se réconcilier avec eux, et les invita à un grand dîner. Sur la fin du repas, il dit de servir le fruit ; et à ce mot, qui était le signal convenu, les convives furent tous égorgés. Les fruits de frère Albéric étaient passés en proverbe.

[6] Branca d’Oria, d’une noble famille de Gênes, invita aussi à un repas, et fit mourir par trahison son beau-père, Michel Zanche, dont il est parlé au vingt-deuxième chant, note 6 ; il fut aidé dans son crime par un de ses parents. Le poëte dit qu’ils descendirent tous deux en Enfer plus vite que le malheureux qu’ils assassinaient.

[7] Quoique Dante se fût engagé par serment envers cet Albéric, il se fait une vertu d’être parjure envers lui, tant sa trahison l’avait révolté.

[8] Cet esprit de la Romagne était toujours Albéric, et le Génois était d’Oria. Ceci fait allusion à un proverbe italien, peu favorable aux Romagnols : ils passent pour la pire nation de l’Italie, et Albéric est ici représenté comme le plus mauvais d’entre eux. Il est aussi la dernière ombre qui parle dans les Enfers.

Il me semble que, dans un siècle où la religion était si puissante sur les esprits, ce dernier supplice que Dante emploie, dut produire un effet bien effrayant. Albéric et d’Oria, avec son parent, étaient trois citoyens coupables de grands crimes à la vérité, mais illustres par leur naissance, connus de tout le monde,