Page:Dante - L’Enfer, t. 2, trad. Rivarol, 1867.djvu/149

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plût au sage de me montrer la créature qui fut jadis si belle, il me fit arrêter, et s’écartant de moi :

— Voilà Satan, me dit-il, et voici les lieux où tu dois t’armer de toute ta constance.

Je m’arrêtai alors, chancelant et transi, dans un état que la parole ne saurait exprimer : ce n’était point la vie, ce n’était point la mort ; eh ! qu’étais-je donc hors de l’une et de l’autre !…

Je voyais au centre du glacier le monarque de l’empire des pleurs s’élever de la moitié de sa poitrine en haut ; et ma taille égalerait plutôt la stature des géants, qu’ils ne pourraient approcher de la longueur de ses bras.

Quel était donc le tout d’une telle moitié [3] ?

S’il fut jadis l’ornement des cieux, comme il est à présent l’effroi des Enfers, c’est bien lui qui doit être le centre des crimes et des tourments, lui qui osa mesurer de l’œil son créateur !

Mais combien redoubla ma terreur quand je vis son énorme tête composée de trois visages ; le premier s’offrant en face, les deux autres s’élevant sur chaque épaule, et tous trois se réunissant pour former la crête effroyable dont il était couronné !

Le premier visage était rouge de feu, l’autre était livide, et les peuples qui boivent aux sources du Nil portent la noire image du troisième.