Page:Dante - L’Enfer, t. 2, trad. Rivarol, 1867.djvu/17

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semblé d’être arrivera, je tomberai comme eux dans ces vastes catacombes. Boniface me remplacera ; mais ses pieds brûleront moins longtemps que les miens ; sa tête renversée flottera moins longtemps sous la voûte sépulcrale ; car l’occident va bientôt vomir un autre pontife, d’œuvres plus iniques [7]. Pasteur sans amour et sans foi, nouveau Jason des Machabées [8], il sera l’ouvrage et l’instrument d’un prince étranger, et c’est lui qui fermera la fosse sur Boniface et sur moi.

Il achevait à peine ; et moi qui ne pus retenir un zèle trop amer peut-être, je m’écriai :

— Ombre malheureuse, dis-nous si jadis le maître céleste vendit les deux clefs à Barjône ? Certes, il ne lui fit que ce court précepte : Pierre, suivez-moi. Et ce ne fut pas non plus à prix d’or que dans l’assemblée des frères le successeur de Judas [9] obtint la place qu’avait perdue ce traître. Vieillard avare, te voilà maintenant ! Garde bien tes coupables trésors, qui t’ont donné l’audace de tirer le glaive contre les rois [10]. Oh ! si l’antique respect pour vos ombres pontificales n’enchaînait ma langue, elle vous poursuivrait bien plus âprement encore, pasteurs mercenaires ! car votre avarice foule le monde ; elle est amère aux bons et douce aux méchants. C’est de vous qu’il était prédit à l’évangéliste, quand il voyait celle qui était assise sur les eaux se prostituer avec les rois ; celle qui naquit avec sept têtes, et