Page:Dante - L’Enfer, t. 2, trad. Rivarol, 1867.djvu/34

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Ensuite, reprenant son entretien :

— Vous ne pouvez, nous dit-il, pénétrer plus avant sur ces roches ; car il ne reste au fond de la sixième vallée que les décombres de l’antique pont [6] ; si donc votre désir est d’aller au delà, suivez d’abord les détours de ce fossé, et bientôt une autre arcade va s’offrir à vous. Hier, à la sixième heure, nous avons compté douze siècles et soixante-six ans depuis la chute du pont [7]. Voilà, continua-t-il, dix des miens qui marcheront devant vous ; suivez-les sans crainte ; ils vont épier des têtes sur les bords de l’étang.

Alors il les appela par leurs noms, et, ayant donné un chef à cette décurie infernale :

— Allez, leur dit-il, visiter et nettoyer ces rivages : mais que ces voyageurs arrivent en paix.

— Ô bon génie ! m’écriai-je alors, en me penchant vers mon guide, qu’est-ce donc que je vois ? Laissons cette escorte, et poursuivons plutôt seuls le voyage, si ces routes vous sont connues. Eh quoi ! votre oeil clairvoyant n’aperçoit donc pas leurs grincements de dents, et le jeu de leurs perfides prunelles ?

— Ne crains point, me dit le poëte, et laisse les tordre ainsi leurs bouches effroyables ; car ils ne peuvent pas toujours dissimuler leurs tortures [8].

Enfin la bruyante cohorte se mit en marche ; mais chaque démon en partant se tournait