Page:Dante - L’Enfer, t. 2, trad. Rivarol, 1867.djvu/67

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

un reptile enflammé, noir et luisant comme l’ébène.

Il frappa l’un d’eux au nombril, premier passage des aliments dans nous, et tomba vers ses pieds étendu.

L’homme frappé le vit, et ne cria point ; mais, immobile et debout, il bâillait comme aux approches du sommeil ou d’une brûlante fièvre : il bâillait, et regardait le reptile, qui le regardait lui-même : tous deux se contemplaient : la bouche de l’un et la blessure de l’autre fumaient comme deux soupiraux, et les deux fumées s’élevaient ensemble.

Qu’ici, témoin du prodige, Lucain se taise sur les malheurs de Sabellus et de Nasidius [6] ; qu’Ovide ne parle plus de Cadmus et d’Aréthuse ; car, s’il changea l’un en dragon et l’autre en fontaine, jamais il n’opposa deux natures de front, les forçant d’échanger entre elles leur matière et leur forme. Mais le serpent et l’homme firent cet horrible accord.

Je vis la croupe de l’un se fendre et se diviser, et les jambes de l’autre s’unir sans intervalle ; ici la peau s’étendre et s’amollir, et là se durcir en écailles. Ensuite les bras du coupable décroissant à ses côtés, le monstre allongea deux de ses pieds vers ses flancs, et les deux autres réunis plus bas lui donnèrent le sexe que perdait l’ombre malheureuse.

Sous la fumée qui les voilait toujours, les deux spectres se coloraient diversement ; et