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LE PURGATOIRE — CHANT XXIII.


Aux femmes du Barbare ou bien de l’Infidèle
Fut-il jamais besoin de loi spirituelle
Qui les forçât d’aller couvertes décemment ?

Ah ! si pouvaient déjà savoir les réprouvées
Quelles foudres le Ciel sur elles tient levées,
Leurs bouches pour hurler s’ouvriraient grandement.

Car, si ma clairvoyance ici point ne m’abuse,
Avant qu’ait pu l’enfant que sa nourrice amuse
Prendre barbe au menton, dur sera leur réveil.

Mais ne te cèle pas plus longtemps à moi, frère !
Tu vois bien qu’avec moi cette gent tout entière
A les yeux où ton corps fait une ombre au soleil. »

A quoi je répondis : « Si ton cœur se rappelle
Quels nous fûmes tous deux sur la terre mortelle,
Le souvenir encor t’en paraîtra pesant.

Cet homme devant moi m’a tiré de ce monde
Le jour d’avant-hier, quand apparaissait ronde
La sœur « de ce flambeau qui rayonne à présent.

— Je montrai le soleil. — Cet homme-là, cette ombre
M’a fait chez les vrais morts traverser la nuit sombre,
Et je le suis avec mon véritable corps.

Et de là jusqu’ici, soutenu par son aide,
J’ai monté, j’ai tourné cette montagne raide
Qui vous redresse, vous que le monde a faits tors.

J’aurai sa compagnie aimable et protectrice
Jusqu’à ce que je voie arriver Béatrice.
Alors il me faudra de lui me départir.