Page:Dante - La Divine Comédie, trad. Lamennais, 1910.djvu/101

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terre un tourbillon étant venu, qui par devant frappa le vaisseau. Trois fois il le fit tournoyer avec toutes les eaux ; à la quatrième, il dressa la poupe en haut, et en bas il enfonça la proue, comme il plut à un autre, jusqu’à ce que la mer se refermât sur nous. »


CHANT VINGT-SEPTIÈME


Déjà la flamme droite et immobile avait cessé de parler, et s’éloignait de nous, avec la permission du doux Poète, lorsqu’une autre, qui venait derrière, attira mes regards par un son confus qui sortait de sa cime.

Comme le taureau de Sicile qui mugit pour la première fois, et ce fut justice, les plaintes de celui dont la lime l’avait fabriqué [1], et transformait la voix du tourmenté en mugissements, de sorte que, quoique d’airain, il semblait ressentir la douleur ; ainsi, au commencement, ne trouvant dans le feu ni voie ni ouverture, les paroles douloureuses s’y changeaient en son propre langage [2]. Mais, lorsque montant elles eurent pris leur route par la pointe, qui leur imprimait, au passage, les mêmes vibrations qu’auparavant la langue, nous entendîmes ces mots : « O toi, à qui ma voix s’adresse, et qui parlais tout à l’heure lombard, disant : — Maintenant, va ! de toi je ne désire rien de plus, quoique un peu tard peut-être je sois venu, qu’il ne te déplaise de t’arrêter et de parler avec moi ; vois, à moi cela ne déplaît, et je brûle. Si récemment dans ce monde aveugle tu es tombé de cette douce terre latine, d’où j’ai apporté toute ma faute, dis-moi si les Romagnols ont la paix ou la guerre ; car je fus des monts, là, entre Urbino et la montagne d’où sort le Tibre [3]. »

J’étais encore baissé et regardais en bas, lorsque mon

  1. Le taureau d’airain de Phalaris, où le tyran fit brûler l’Athénien Pérille, qui l’avait fabriqué et lui en avait fait don.
  2. Se confondaient avec le murmure de la flamme elle-même.
  3. « De cet endroit des monts, situé entré Urbino et la source du Tibre, » c’est-à-dire de Monte-Feltro.