Page:Dante - La Divine Comédie, trad. Lamennais, 1910.djvu/158

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fuyant et déflorant le lis. Regarde comme il se frappe la poitrine, et vois l’autre qui, en soupirant, a fait de sa main une couche à sa joue. Père et beau-père ils sont du mal de la France [1] ; ils connaissent leur vie corrompue et souillée, et de là vient la douleur qui les poind. Celui qui paraît si robuste de membres [2], et qui en chantant [3] s’accorde avec l’autre au nez mâle [4], fut ceint de toute valeur, et si roi après lui fût demeuré l’adolescent assis derrière lui [5], la valeur se serait transmise de vase en vase, ce qui ne peut se dire des autres héritiers. Jacques et Frédéric possèdent les royaumes, aucun de l’héritage n’a la meilleure part [6]. Rarement se reproduit dans les rameaux l’humaine vertu, et ainsi le veut celui qui la donne, afin qu’à lui on la rapporte. Au grand nez [7], aussi bien qu’à Pierre qui avec lui chante, s’appliquent mes paroles : de lui déjà se plaignent la Pouille et la Provence [8]. La plante née de sa semence est autant inférieure à lui, que plus que Béatrice et Marguerite, de son époux se glorifie Constance [9]. Voyez le roi de la vie simple, Henri d’Angleterre [10], assis là seul : celui-ci a dans ses rameaux une meilleure issue [11]. L’autre qui plus bas,

  1. C’est-à-dire : ils sont l’un père et l’autre beau-père de Philippe le Bel, cause des maux de la France. »
  2. Pierre III, roi d’Aragon.
  3. En chantant la Salve Regina.
  4. Charles I, roi de Sicile.
  5. Pierre III eut quatre fils : Alphonse, Jacques, Frédéric et Pierre. Celui-ci, qui est l’adolescent dont parle Dante, n’hérita d’aucune portion des royaumes de son père.
  6. La valeur.
  7. A Charles Ier.
  8. La Pouille et la Provence se plaignent déjà du mauvais gouvernement de ses descendants.
  9. C’est-à-dire : ses fils sont autant au-dessous de lui, que Constance se glorifie d’être par son mari, Pierre III, roi d’Aragon, au-dessus de Béatrice et de Marguerite. Elles étaient filles de Raimond Béranger V, comte de Provence, et mariées l’une à saint Louis, roi de France, l’autre à Charles, roi de Sicile, son frère.
  10. Henri III, fils de Richard Cœur-de-Lion, lequel, dit Villani, fut « un homme simple et de bonne foi ».
  11. « De Henri, dit encore Villani, naquit Edouard, qui régna de notre temps et fit de grandes choses. »