Page:Dante - La Divine Comédie, trad. Lamennais, 1910.djvu/18

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dames bénies ont souci de toi dans le ciel, et qu’un bien si grand te promettent mes paroles ? »

Comme les tendres fleurs inclinées et fermées par la gelée nocturne lorsque le soleil blanchit relèvent leur tige et s’ouvrent ; ainsi fût-il de mon courage lassé, et une ardeur si vive me revint au cœur, qu’avec hardiesse je dis :

— Ô compatissante celle qui m’a secouru ! et toi courtois, qui as si vite obéi à ses paroles vraies ! Tu m’as, enflammant le désir, tellement par tes paroles disposé le cœur au venir, que j’ai repris mon premier dessein. Va donc ; à tous deux est un seul vouloir : tu es guide, seigneur, maître !… Ainsi lui dis-je, et lorsqu’il se mut, j’entrai dans le chemin profond et sauvage.



CHANT TROISIÈME


Par moi l’on va dans la cité des pleurs ; par moi l’on va dans l’éternelle douleur ; par moi l’on va chez la race perdue. La Justice mut mon souverain Auteur : la divine Puissance, la suprême Sagesse et le premier Amour me firent. Avant moi ne furent créées nulles choses, sauf les éternelles, et éternellement je dure : vous qui entrez, laissez toute espérance !

Je vis ces paroles écrites en noir au-dessus d’une porte ; aussi je dis : — Maître, douloureux m’en est le sens. Et lui à moi, comme personne accorte : « Ici l’on doit laisser toute crainte ; toute faiblesse doit être morte ici.

Nous sommes venus au lieu où je t’ai dit que tu verrais les malheureux qui ont perdu le bien de l’intelligence. »

Et ayant posé sa main sur la mienne, d’un visage serein qui me ranima, il m’introduisit au dedans des choses secrètes. Là, dans l’air sans astres, bruissaient des soupirs, des plaintes, de profonds gémissements, tels qu’au commencement j’en pleurai. Des cris divers, d’horribles langages, des paroles de douleur, des accents de colère, des voix hautes et rauques, et avec elles un bruit de mains,