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INTRODUCTION.

venues un métier sordide ; la défense de l’État abandonnée à des mercenaires, souvent même à des étrangers, appui toujours douteux du prince qui les achète, et qu’ils vendent à leur tour : — toutes ces causes ensemble avaient précipité l’empire sur une pente funeste, impossible à remonter, car il en est des corps politiques comme des corps naturels, qui ont leurs phases déterminées de croissance et de déclin, et jamais ne repassent sur les voies parcourues.

Cependant, si malade que fût la société, elle renfermait encore des éléments précieux de civilisation, héritage des siècles antérieurs. Les progrès de la philosophie, de Thalès aux Alexandrins, avaient élargi la sphère de la pensée ; la science, telle qu’alors elle pouvait exister, les lettres, les arts, subsistaient dans leurs monuments, et si le génie s’était éteint, l’enseignement du moins perpétuait la connaissance des principes, des règles, des procédés techniques, en même temps que les besoins de la vie maintenaient la pratique de l’agriculture, des métiers, de la navigation, du commerce favorisé par des routes dont on admire encore les restes magnifiques. Et, chose remarquable, tandis que les mœurs s’altéraient, la morale conçue par l’esprit, sentie par la conscience, s’était élevée et purifiée, comme on le voit dans Sénèque, dans Épictète et dans Marc-Aurèle, et avant eux dans Cicéron, qui, par ce seul mot prononcé pour la première fois,