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INTRODUCTION.

céleste, la Zuléika et la Léila des Arabes, et tant d’autres types analogues chez les Persans ; et après les croisades, chez les peuples occidentaux, où on le retrouve jusqu’en Angleterre dans les sonnets de Shakspeare, visiblement empreints de ce mysticisme traditionnel. Le symbolisme mystique de Dante et de ses contemporains se compliqua d’un autre symbolisme correspondant aux passions politiques des partis entre lesquels était divisée l’Italie, le parti impérial ou gibelin, le parti guelfe ou pontifical, et à la haine plus générale qu’inspiraient l’ambition, l’orgueil, l’avarice de la cour romaine, et ses corruptions parvenues à leur comble lors du séjour des papes à Avignon.

Ainsi les symboles de l’amour pur, de l’amour divin, devinrent les symboles d’une doctrine secrète, religieuse et politique ; les mots prirent des acceptions nouvelles, obscures pour le vulgaire, connues des seuls adeptes. On n’en saurait douter en lisant les poëtes gibelins de l’époque de Dante, Guido Ça valcanti, Lappo Gianni, Guittone d’Àrezzo, Cione Baglione, Cino da Pistoïa, Giglio Lelli et leurs sonnets énigmatiques. Sous des formes convenues, mystérieuses, ces fidèles d’amour, ainsi qu’ils se nommaient entre eux, se communiquaient leurs pensées, leurs espérances, leurs craintes, poursuivant le but particulier du parti impérial, et concourant, à divers degrés, au développement de la vaste conspiration