Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/114

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mal, les mains osseuses pendant au bout des bras inertes, sont juchés sur les cacolets. Il faut les prendre sous les aisselles, à deux ou trois, pour les aider à descendre ; et, à peine à terre, sans se soucier des ruades des mulets, sourds aux ordres des chaouchs qui leur commandent de se lever, ils se laissent tomber au milieu du chemin, n’importe où, s’affalant comme des choses, incapables de faire un mouvement. Ils ont à peine la force de parler, ne répondant pas aux questions qu’on leur pose, demandant à boire d’une voix sourde, entrecoupée, en découvrant sous leurs lèvres violettes de longues dents jaunes que les frissons de la fièvre entrechoquent. Il faut prendre le parti de les aider à aller s’asseoir sur le soubassement en pierres d’une baraque.

Un à un arrivent les traînards, boitant, tirant la jambe, couverts de poussière, quelques-uns avec leurs pantalons et leurs capotes tout mouillés ― des fiévreux qui se sont agenouillés dans l’eau, pour boire, en traversant la Medjerdah.

L’officier qui commande le détachement, un lieutenant aux longues moustaches blondes, les fait aligner sur un seul rang. Les hommes se rangent tant bien que mal, les plus malades s’appuyant sur leurs fusils ou sur les bâtons qui les ont aidés à marcher, pendant les étapes. Ils ont l’air tristement pensif des chevaux fourbus, des bêtes de somme éreintées qui s’affaissent dans les brancards, le corps tassé, appuyé dans l’avaloire, la tête morne, pendant hors du collier.


Le capitaine arrive, sa canne à la main. Il jette sur les malheureux un long regard méprisant.

— Beaucoup de malades, n’est-ce pas, monsieur Dusaule ?