Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/149

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semblables, il lui a crié avec l’intonation et les gestes d’un rôdeur de barrières :

— De quoi ? des magnes ? En faut pas ! ou je fais apporter une assiette de son.

Je ne sais pas si j’arriverai, à la longue, à m’y faire, mais je crois que je mettrai du temps à m’habituer à ces grossièretés farcies de blague qui forcent parfois le camp tout entier à se tenir les côtes, à ces polissonneries de pitre autoritaire qui commande le rire et qui doit garder rancune, dans son orgueil blessé de paillasse qui ne déride pas son public, à ceux que ses saillies ne font pas s’esclaffer.


D’ailleurs, j’ai de moins en moins envie de rire. Depuis quelques jours déjà je suis malade et je sens la fièvre me ronger peu à peu. J’ai beau essayer de réagir, un moment vient où je suis obligé d’aller m’étendre, avec sept ou huit autres, sur un tas d’alfa, dans le marabout des malades.

Un jour, on a sonné la visite. Un médecin, qui passait par là, s’était décidé à nous examiner, sur la prière du lieutenant. Il a signé un bon d’hôpital pour une demi-douzaine d’hommes dont je fais partie, ainsi que Palet dont l’état, depuis deux mois que nous sommes à El Gatous, n’a guère fait qu’empirer, malgré un repos absolu. Nous devons partir, le soir même, pour Aïn-Halib où nous arriverons dans deux jours.

— Combien sont-ils ? vient demander le lieutenant, comme les mulets qui doivent nous porter se disposent à se mettre en route. Comment ! six ! tant que ça ! Et dire que voilà la génération qui doit repousser l’Allemand !… Ah ! là, là ! quand ils seront mariés, c’est à peine s’ils seront fichus… J’allais dire quelque chose de pas propre… Chouïa…