Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/169

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ignoble qu’il est horrible et tellement horrible qu’il est ignoble ! ce code qui n’a pour but que la vengeance pour le passé et la terreur pour l’avenir ! ce code où l’on entend revenir sans cesse ce mot : mort ! mort ! comme l’écho des lois féroces des temps barbares, comme le refrain de litanies sanglantes !…

Ah ! bourgeois stupide, toi qui demandes qu’on dégage le soldat de l’énorme pénalité qui pèse sur lui, tu es donc assez aveugle pour ne pas voir que c’est pour te défendre, toi et tes biens, qu’on a écrit ce code épouvantable ? Tu ne sais donc pas que ces lois sauvages sont ta sauvegarde ? Tu ne comprends donc pas qu’il les faut, ces lois, pour te permettre de digérer en paix et de mâcher tranquillement ton cure-dents en accolant bêtement l’un à l’autre ces deux mots inconciliables : Patrie et humanité ? Tu ne comprends donc pas que, sans ce code qui t’assure de leur obéissance, tu n’aurais bientôt plus d’esclaves pour maintenir le bœuf qui foule tes grains dans la grange et auquel tu as lié la bouche ?…


Esclaves ? Eh ! parbleu, oui ! nous le sommes, ilotes de l’armée, parias du militarisme, condamnés sans jugement à des travaux écrasants, condamnés à la faim, à la soif, à des tortures atroces, à la privation de tous moyens de distractions, aussi bien intellectuelles que physiques, à la privation de femmes, ― avec toutes ses conséquences monstrueuses ? Esclaves ? Oui, mais pas plus ― et moins peut-être ― que les autres, les bons soldats, ceux qu’on n’a pas revêtus de notre livrée lugubrement ridicule et qui se figurent stupidement porter un uniforme quand ils n’ont sur le dos qu’une casaque de forçat.