Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/231

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blent de méchanceté ; ils viennent, paraît-il, de recevoir de mauvaises nouvelles. L’affaire Barnoux n’a pu être étouffée et le conseil de guerre réclame les bourreaux.


L’Homme-Kelb, qui ce soir est chef de poste, se promène de long en large, en tirant rageusement les poils de sa barbe, devant les tombeaux sous lesquels sont étendus une douzaine de prisonniers. Acajou, qui est du nombre, lui demande la permission de sortir un instant pour aller satisfaire ses besoins.

— Non ! vous profitez de cela pour aller causer avec les autres. C’est interdit par les règlements. Un homme puni ne doit pas avoir de rapports avec ses camarades.


— Cependant, sergent…

— Foutez-moi la paix. Chiez au pied de votre tente ; un homme de garde enlèvera ça avec une pelle.

Acajou s’exécute. Et, quand il a fini, il interpelle le sergent qui a continué sa promenade et se trouve au bout du camp.

— Sergent !… sergent !…

— Qu’est-ce que vous voulez ? nom de Dieu ? vocifère l’Homme-Kelb.

— Une poignée de ta barbe pour me torcher le cul.

Le pied-de-banc s’est précipité sur l’avorton et, au milieu des huées générales, lui a mis les fers aux pieds et aux mains.

— Tue-moi donc aussi, comme Barnoux ! crie Acajou. Va donc ! Un crime de plus ou de moins, qu’est-ce ça te fait ? Mets-moi donc le bâillon, eh ! barbe à poux !

— Oui ! je vous le mettrai, le bâillon, nom de Dieu !