Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/256

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sance. Je ressentais une volupté âpre à me rappeler tous les détails de ma conduite indigne ― plaisir d’assassin qui va et vient, fiévreusement, dans la rue où il a suriné sa victime.


Je pourrais passer au crible tout le limon de mon enfance et de mon adolescence sans trouver une seule de ces paillettes d’or qu’on appelle des heures de joie. J’ai lutté longtemps avec les autres et avec moi-même, voilà tout.

Je me suis engagé…

Et maintenant, maintenant que j’ai l’âge de comprendre, maintenant que j’ai souffert, où en suis-je ? Ai-je trouvé le flambeau qui doit me guider dans la route sombre que j’ai choisie ? Pourrais-je placer une réponse après les interrogations qui, devant mon esprit d’enfant, venaient suspendre leurs silhouettes tordues par l’ironie et gonflées par le dédain au-dessus du point final des honnêtes phrases convenues ? Ai-je appris quelque chose, moi qui ai renié la famille parce que j’étouffais dans son atmosphère ? Je dois être fort, à présent, je dois être armé pour la lutte, cette lutte dont j’ai rêvé vaguement depuis si longtemps, je dois être descendu au fond des choses, je dois savoir…

Hélas ! même aux questions que j’ai le plus creusées, j’ai à peine trouvé une réponse, tellement les solutions se démentent, tellement les contradictions se heurtent. J’ai pensé bien des fois aux dernières paroles de mon père, le jour où il m’a quitté, et je ne sais pas encore pourquoi il ne suffit point à un père d’aimer ses enfants. Je ne sais même pas s’il ne vaudrait pas mieux, pour lui et pour eux, qu’il ne les aimât point du tout. J’ai seulement pu entrevoir, au