Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/271

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

jeté dans le coin du ravin où l’on relègue les hommes en prévention.

Dix ans de travaux publics ! Ah ! mieux vaudrait la mort, mille fois !… La mort… Et je me souviens de la réponse de Queslier, un jour où nous parlions du conseil de guerre : « Si jamais, par malheur, ils m’y faisaient passer, ce n’est ni à cinq ans ni à dix ans de prison qu’ils me condamneraient. » Et je vois son geste rapide mettant en joue un chaouch.


— Est-ce un cadenas anglais que tu as à tes fers ? murmure une voix qui sort du tombeau voisin du mien.

Je me retourne, tant bien que mal, et j’aperçois sous la toile relevée la moitié d’un visage qui ne m’est pas connu.

— Oui, c’est un cadenas anglais. Pourquoi ?

— Parce que j’ai une fausse clef que je me suis faite avec un morceau de fil de fer. Tu ne me connais pas, mais moi, je te connais, ou plutôt j’ai entendu parler de toi. Je vais aller te détacher.

Et, en effet, rampant avec des précautions de sauvage, l’homme se glisse le long de mon tombeau et se met à travailler le cadenas.

— Ça y est. Défaisons quatre ou cinq tours et refermons. Maintenant, tu peux mettre tes mains là dedans et les retirer à volonté. Tu es en prévention de conseil de guerre ? Tu viens d’El-Ksob ?

— Oui.

— Alors, on n’instruira ton affaire que demain dans l’après-midi. Moi, j’ai déjà été appelé chez le capiston. Mon flanche est dans le sac. Je pars à la fin de la semaine pour passer au tourniquet.