Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/42

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

grands efforts pour ne pas le laisser voir. J’espère que ça finira par se passer. Je prends mon courage à deux mains et tâche de faire preuve de bonne volonté. J’y mets du mien, tant que je peux.

Je n’en mets pas assez, cependant. Il y a différentes choses… la théorie, notamment… Je la récite à peu près, pas trop mal ― pas trop bien non plus ― mais toujours d’un ton gnan-gnan, indifférent, sans conviction. Ça paraît me laisser froid, ne rien me dire. Je n’ai pas l’air de me figurer que l’avenir de la France est là-dedans.

— Aucune de ces phrases : « Au commandement, Haut pistolet ! ― La baguette en avant ― Les rênes passées sur l’encolure » ne font bondir votre cœur dans votre poitrine, m’a dit l’autre jour le capitaine-instructeur.

C’est juste ; il est peu rebondissant, mon cœur. Si jamais on me dissèque, je crois que les carabins auront bien du mal à jouer à la raquette avec.

Il y a encore une autre chose qui achève de me mettre mal dans les papiers de mes chefs. J’astique d’une façon déplorable ; et, malheureusement, on est assez porté, dans l’armée, à juger de l’intelligence d’un homme d’après le degré de luisant et de poli qu’il est capable de donner à un bout de fer ou à un morceau de cuir. « Faites-vous astiquer ! » me répète le capitaine, qui maintenant me fourre dedans, régulièrement, à chaque revue. Je n’ai pas le sou. Je ne peux pas me faire astiquer.

— Alors, vous n’arriverez à rien.

Ça ne m’étonnerait pas.

— Vous devriez demander à vous faire rayer du peloton des élèves-brigadiers, me dit le mar’chef, un assez bon garçon. Vous feriez votre service tranquille-