Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/59

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ment l’un des plus intelligents qu’on puisse exercer en Afrique. D’ailleurs, ils ont devant les yeux l’exemple de certains de leurs confrères d’Algérie, d’anciens honnêtes gens qui sont redevenus de très braves gens depuis qu’ils ont les poches pleines, que les gendarmes saluent très bas, qui arrivent à se faire nommer maires d’un village ou d’une bourgade et qui marient facilement leurs filles ― grosse dot, petite tache de famille ― à des conseillers de préfecture.

On ne peut sérieusement, n’est-ce pas ? désespérer du redressement moral d’un peuple quand des apôtres comme ceux-là ont entrepris sa conversion. Le fait est que, si les prédicateurs enseignent consciencieusement la foi nouvelle, il se trouve des gentils qui, de leur côté, y mettent du leur. Je ne parle pas, bien entendu, de ces vieilles bêtes affaissées dans les ornières de la routine, encroûtées au possible, qui ne comprennent pas quelle utilité il peut y avoir à tuer le ver tous les matins et à faire précéder chaque repas d’un ou de plusieurs verres d’extrait de vert-de-gris. Raisonner avec des animaux pareils, c’est perdre son temps. Je parle d’une partie de la jeune génération qui commence à se laisser dessiller les yeux, à rejeter des doctrines surannées, à vouloir sérieusement rattraper le temps perdu. Ils n’y vont pas de main morte, ceux-là ! Ils chantent à plein gosier les louanges de l’alcoolisme ! Il y a de ces gaillards qui n’ont pas leurs pareils pour couper la verte et qui distinguent à l’œil ― oui, à l’œil ― le vrai Pernod de l’imitation. Au billard, ils vous en rendent dix de trente et gagnent à tous les coups.

Quant aux enfants ― aux mouchachous ― ils donnent les plus belles espérances. Ils vous disent : « Et