Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/62

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en me disant qu’il fallait, avant tout, la faire passer par la voie hiérarchique. Aujourd’hui, je suis venu ici chercher la réponse qui vient d’arriver…

— Toujours par voie hiérarchique ?

— De plus en plus.

— Et… est-elle satisfaisante, la réponse ?

— Est-ce que vous vous foutez de moi ? Satisfaisante ! Tenez, lisez-moi ça : « Le ministre porte à la connaissance de l’intéressé que le gouvernement, quel que soit son désir de venir en aide aux colons, se voit dans l’obligation de ne leur accorder aucun secours, pécuniaire ou autre. Etc., etc. » Hein ! qu’est-ce que vous en dites ?

— Dame ! s’ils n’ont pas le sou…

— Quand on n’a pas le sou, on reste chez soi ! quand on n’a pas le sou, on ne cherche pas à conquérir des colonies pour en faire les cimetières des imbéciles assez bêtes pour s’y établir !… Ah ! je sais bien ce que vous allez me dire : « Il ne fallait pas y venir ; tu l’as voulu, c’est bien fait » ― Je sais bien, je n’aurais pas dû avoir confiance ; mais, qu’est-ce que vous voulez ? À l’époque de mon départ je n’aurais jamais pu me figurer que c’était tout simplement pour permettre à une séquelle de bandits de spéculer sur des morceaux de papier achetés au poids ― aux palefreniers du Bardo, qu’on avait versé le sang et dépensé les millions de la France. Ce que c’est que d’être naïf !… Mes terres sont bonnes pourtant ; on pourrait faire deux récoltes par an… Quand je pense à tous ces beaux terrains que l’imbécillité de nos gouvernants laisse en friche, je me demande réellement comment il peut se trouver des gens assez simples pour ne pas éclater de rire en entendant prononcer ces deux mots : Colonies françaises. Moi,