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peuples modernes ; les principes, qui sont tous des phrases ridicules et mensongères, des enfilades de mots creux, sont les tortionnaires des nations. Il est vraiment honteux que, à notre époque, on en soit là. Une canaille sans cervelle est jetée de force à la caserne ; enrégimentée ; embrigadée ; et cætera ; souffre ; pâtit ; endure la faim et la soif ; est maltraitée ; empoisonnée ; battue ; volée ; condamnée aux maladies contagieuses et héréditaires, à des habitudes déplorables. Quand elle sort du régiment, il faut qu’elle peine, qu’elle trime, qu’elle s’évertue, qu’elle s’exténue, qu’elle se tue, afin de payer les impôts nécessaires à l’entretien des malheureux qui l’ont remplacée à la caserne. Et cette tourbe ne se demande même pas une seule fois pourquoi cet esclavage physique et moral ; pourquoi ce perpétuel et monstrueux tribut. À quoi sert l’impôt ? Et qu’est-ce que c’est que l’impôt ? On ne sait pas. À quoi sert l’armée ? Et qu’est-ce que c’est que l’armée ? On ne sait pas. Payons l’impôt ! Vive l’armée ! Des mots. Des mots ! On s’asservit, on se ruine, on se sacrifie pour des mots. Ont-ils une signification, ces mots ? On ne sait pas. Oui, ils ont une signification. Laquelle ? On ne sait pas. On ne veut pas savoir. Les mots arrivent, avec de grandes escarcelles, qu’il faut remplir. Les principes chargent les canons, avec une poudre qu’ils ont mouillée, sournoisement. Il ne faut pas que les canons partent. Ou, s’ils partent, il ne faut pas qu’on sache pourquoi. Il faut que les multitudes, gangrenées d’apathie morale et pourries d’ignorance voulue, descendent dans l’arène sans savoir pour quelle raison, saluant et acclamant les mots — ces Césars des peuples modernes, libres et éclairés, — pour lesquels elles vont mourir. Il faut que la création des Armées Nationales ne produise point d’autre résultat que celui-ci : l’augmentation énorme du nombre des combattants ; la possibilité de ranger en bataille trois millions d’imbéciles contre trois millions d’idiots.

La patrie étant le Sol de la Patrie — et pas autre chose, car, quelques autres éléments coopérant à son essence que vous puissiez invoquer, ils se résolvent tous en valeurs