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lution de 1789 — connaissance que personne, excepté moi, ne possède encore — leurs instincts de liberté, d’individualité et d’intolérance eussent pu les mener à la compréhension de l’action nécessaire à l’existence française. Seuls, ils auraient été en état de comprendre, ou plutôt de sentir, que l’éternel ennemi de la France, son seul ennemi, c’est Rome. Mais leurs instincts avaient été ligotés par le dogme ; l’esprit de la Réformation s’était dénaturé dans des préoccupations religieuses ; il avait perdu toute vigueur, et le sens même de sa mission. La figure du protestantisme, c’était la figure de Jules Favre, inondée de larmes ; ce n’était pas la figure, pour employer la magnifique expression de Carlyle évoquant la face de Dante, ce n’était pas la figure « d’Un totalement en protestation. »

Ce que le Protestantisme avait à faire, peut s’exprimer en deux mots : se rapprocher des pauvres, les délivrer de l’épouvantable tyrannie centralisée qui pèse sur eux, leur donner un intérêt direct dans la défense du territoire, s’il y avait eu lieu de continuer la lutte ; et engager une guerre à mort contre le catholicisme. Il aurait dû se souvenir de ses origines, de ses vieilles tendances fédéralistes ; ne pas oublier, non plus, que la Saint-Barthélemy n’a pas encore été vengée. Il eût pu, en un mot, prendre la direction de toutes les volontés libertaires françaises, volontés impuissantes par elles-mêmes, et en former un faisceau que la réaction n’eût pas rompu. Mais les Protestants ne comprirent pas ; ils furent veules ; des âmes mercenaires. Il faut remarquer pourtant ce fait extraordinaire : la force des choses les porta, quand même, au pouvoir. Le Destin semble mettre les hommes sur la voie qui mène à l’action, en les laissant à leurs propres forces ; et lorsqu’il voit qu’ils n’avancent point, comme il faut que l’acte s’accomplisse, il se décide à intervenir lui-même et suscite son instrument, l’homme d’action.

La main forte du Seigneur, comme disait Calvin, apparaîtra en sa saison, et sans doute avant longtemps.

La France est, plus que jamais, la Fille aînée de l’É-