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lonnes avec des tirades sur la réconciliation nécessaire de tous les Français dans le culte de la patrie. On peut aussi noircir beaucoup de papier en insultant les gens au pouvoir lorsqu’ils ne vous payent pas et en chantant leur gloire, lorsqu’ils vous payent ; voilà ce que n’oublient pas les journalistes ; et ils n’ont pas tort, s’il est vrai que la reconnaissance est un beau sentiment. D’ailleurs, il faut bien vivre ; c’est pourquoi le journaliste aime à se poser en justicier ; beaucoup plus par nécessité que par méchanceté naturelle, il espionne et il épie ; s’embusque, ment, tend des pièges. Et lorsqu’il a découvert un bon scandale, lorsqu’il a mis à jour, comme la hyène déterrant un cadavre, quelqu’une de ces grosses infamies que nécessite le présent ordre social, il faut que les coupables s’exécutent ; ou bien ils sont exécutés. Ils payent ; et lorsqu’ils ont payé, ils doivent payer encore ; ou bien leur nom, et la liste de leurs méfaits sont livrés à la publicité ; on traîne sur la claie leurs personnes, leurs familles, leurs ascendants et leurs descendants ; le tout, pour l’édification des masses et pour la plus grande gloire de la moralité. De sorte, que c’est un grand point de savoir si l’exploitation systématique des scandales ne devient pas plus scandaleuse encore que les scandales eux-mêmes. Je n’oserais, pour mon compte, me prononcer.

Entre temps, les journalistes instruisent leur public, l’éclairent. Ils lui donnent des informations qui sont plutôt des déformations ; mais sans malice, car pour eux ce qui est important, c’est ce qui est sensationnel. Ils lui apprennent, avec des commentaires stupéfiants, ce qui se passe dans le monde entier ; et même dans un monde meilleur, car le rédacteur catholique a fait son apparition, plein d’un zèle peu commun, et écrit ses articles « en trempant dans l’encrier des torches enflammées. » La presse avait déjà, d’ailleurs, quelque chose d’ecclésiastique : son parti-pris de mettre à l’encan ses faveurs et ses services ; l’habitude qu’elle a de pontifier ; sa bonne foi toute spéciale ; sa division en coteries d’aspects différents mais liées entre elles, au fond, par un intérêt commun :