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embarrassée d’elle-même ; et la Royauté bourgeoise, au parapluie indécis ; et la République ahurie ; et l’empire ahuri ; et la République imbécile. Toutes les formes d’un même despotisme inconscient, se prétendant démocratique, aux mains d’une Tyrannie permanente, latente et consciente. Et pour demain, quoi ? La Révolution sociale ou la domination incontestée du Prêtre. Car il est possible que l’Église, qui a triomphé jusqu’ici, triomphe encore ; il ne faut pas l’oublier. La Démocratie n’est qu’une expression incomplète : ne signifie pas un état, mais tout au plus un moyen ; ne peut exister, sous des formes vermoulues, que d’une façon transitoire. De deux buts, elle doit choisir l’un. Si elle ne va pas à la Physiocratie, elle ira, forcément, à la Théocratie. C’est fatal.

Il est surprenant qu’on se soit obstiné si longtemps à toujours considérer la Révolution Française sous l’un des deux aspects consacrés par la légende. Les libéraux la représentent comme un grand mouvement émancipateur ; et les réactionnaires, comme une entreprise damnable. C’est à peine si l’on s’est avisé de lui soupçonner un autre caractère ; quelques historiens ont, de-ci de là, flairé la fraude ; par exemple, Louis Blanc ; mais ils se sont prudemment arrêtés. En laissant de côté les écrivains cléricaux, dont les anathèmes sont peut-être quelquefois, bien que je ne le croie pas, intentionnels et politiques, on peut dire que les historiens sont d’accord pour ne point mettre en question, même, la physionomie franche et la foncière sincérité de « l’Épopée Révolutionnaire » ; ainsi fait Carlyle, que son intuition mal informée ne mena point au delà du seuil des vérités ; ainsi, Michelet, dont ce fut la destinée bizarre de toujours travailler pour le cléricalisme, qu’il haïssait si profondément. Il est bien rare qu’un de ces écrivains ait perçu plus qu’une lueur, un rayon vite éteint, de la réalité. Ou, si cela se produisit, l’œuvre était faite ; et l’homme était vieux.

Étymologiquement, l’Histoire est une vision. C’est seulement par la conception complète de notre époque que nous pouvons nous faire une idée exacte des époques qui