Page:Darien - La Belle France.djvu/45

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Francfort ! Je me demande si la France n’aurait pas encore bondi sous de tels coups et ne se fût brusquement réveillée ! »

Oui, mais il ne fallait pas que la France pût bondir, ni même qu’elle se réveillât. Elle devait vivre « repliée sur elle-même, » dormir ; elle devait être poussée au sommeil à coups de bottes éperonnées. Elle devait ignorer tout, ou presque tout ; ce n’était pas son affaire de s’occuper de ces choses-là ; on veillait pour elle ; elle n’avait qu’à accepter, les yeux fermés, les explications qu’on consentait à lui donner. Elle devait croire qu’on ne fortifiait pas Nancy parce qu’il était nécessaire « de canaliser l’invasion » ; et aussi que la création d’un nouveau corps d’armée dans cette ville ouverte renforçait la situation française à la frontière de l’est. Elle ne devait rien connaître des immenses travaux de défense que les Allemands perfectionnent et complètent encore aujourd’hui et qui, de Metz à Strasbourg en passant par la forêt de Hagueneau, barrent décisivement la route à une avance française. Elle ne devait pas avoir notion de son effroyable infériorité topographique, ni savoir que la revanche est actuellement impossible ; que l’invasion seule est fatale, qu’elle est préparée de longue main et sera foudroyante, que des wagons chargés d’approvisionnements et de munitions sont rangés en gare de Metz, attendant seulement qu’on y attache des machines pour rouler sur nos voies ferrées. Il ne fallait pas, surtout, que la France pût être conduite à penser qu’une organisation militaire, même parfaite, serait impuissante à conjurer le danger qui la menace, et qu’elle ne pourrait trouver le salut que dans des changements énormes apportés à son état général. Elle fut condamnée, par conséquent, à l’ignorance et au mensonge. Depuis les faux républicains du 4 septembre jusqu’aux faux républicains d’aujourd’hui, il n’y eut chez les gouvernants que deux préoccupations : s’associer avec les capitalistes afin de partager avec eux les dépouilles des pauvres, le tribut qu’ils payent pour exister et avoir des maîtres : et mentir, dissimuler quand même au pays les conditions réelles de