Page:Darien - La Belle France.djvu/82

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De toutes les femmes auxquelles on persuade qu’elles doivent, par patriotisme, mener une existence de dévouement morne et stérile, de noire abnégation, qu’elles doivent sacrifier sans espoir de récompense leur vie, leurs affections, leurs rêves, et les fruits de leurs entrailles — on a étranglé l’âme et arraché le cœur afin de les empêcher de voir ce que c’est que la patrie.

De tous les enfants dont on farcit le cerveau d’abominables et ridicules légendes et des infâmes leçons du catéchisme religioso-civique — on a étouffé l’intelligence afin de les empêcher de voir ce que c’est que la patrie.

De tous ceux qui travaillent, qui peinent, qui souffrent, et qui n’ont rien — on a tué l’énergie afin de les empêcher de voir ce que c’est que la patrie.

Je crie : À l’assassin !

Je crie révolte, et je crie vengeance. Je crie : En voilà assez !

Voleurs et assassins — les Riches — sont parvenus, grâce à la terreur et à l’ignorance qu’ils imposent et entretiennent, à obscurcir complètement la signification du mot : Patrie. Avec l’aide de leurs deux valets, le Prêtre armé du mensonge et le Soldat qui brandit un sabre, ils ont réussi à interdire à ceux qu’ils ont spoliés la compréhension du mot ; et, devant ce vocable qui ne doit avoir pour elles aucun sens précis, les victimes des Possédants ont dû se courber avec respect, jurer de tout sacrifier, existence comprise, aux choses mystérieuses qu’il représente. Mieux encore. Devant les menaces et les murmures des déshérités, las enfin de l’épouvantable servitude qui pèse depuis si longtemps sur leurs épaules, les Riches se sont émus ; non contents d’avoir à leur service le prêtre et le soldat, ils ont enrôlé dans leur garde les pions et les sous-diacres de l’écritoire : et ces drôles, s’emparant du mot qu’il ne faut pas qu’on comprenne, le déguisant davantage encore sous le clinquant des phrases et les oripeaux de la déclamation, sont arrivés à en faire un spectre qu’ils opposent aux plaintes et aux demandes des Pauvres — ce mot, qui doit être la synthèse de toutes les revendications sociales !