Page:Darien - La Belle France.djvu/88

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ignore l’histoire — faisaient fusiller leurs hommes, par vingt et trente à la fois, pour les infractions les plus futiles à une discipline absurde. Je pourrais citer des milliers de faits. À quoi bon ?…

Je m’en voudrais de ne pas dire exactement ce que je pense. Je crois que si la France était attaquée demain, sa situation politique et sociale demeurant ce qu’elle est aujourd’hui, elle n’offrirait pas même la défense qu’elle a offerte en 70. Je suis convaincu que des transformations profondes, qui rendront une patrie aux déshérités, pourront seules lui permettre de repousser l’agression. Entre la suppression de la propriété individuelle du sol et la défaite irrémédiable, finale, il n’y a place pour aucune hypothèse. La Patrie Française sera constituée, en fait, ou la France périra.

Je ne crois pas qu’une guerre soit absolument nécessaire à la formation d’une Patrie réelle ; mais, vraisemblablement, elle en provoquera la création ; un événement considérable — étant donnée surtout l’apathie régnante — pourra seul amener une modification aussi importante dans l’état général d’un grand pays. Je n’ai pas non plus l’intention, bien entendu, d’opposer la Patrie à l’Humanité ; ce serait aussi absurde que d’user des sophismes démodés de ces rhéteurs qui voulaient qu’à l’Humanité on sacrifiât la Patrie ; la Patrie se fond de plus en plus dans l’intérêt humain, dans le genre humain tout entier ; le patriotisme se transforme en un large sentiment de compréhension universelle. Par la force même des choses, la sphère de l’intelligence de l’Homme — je dirais de ses devoirs et de ses droits, si je croyais aux devoirs et aux droits, — s’étend tous les jours. Mais je pense qu’il est bon, qu’il est nécessaire, que l’homme soit citoyen de son pays, en toute réalité, pour devenir citoyen du monde ; je crois fermement, surtout, que c’est à cause de l’existence d’une immense classe de déshérités, chez toutes les nations, que les guerres, les haines internationales, sont possibles. Ces pauvres qui ont été dépouillés de leur patrimoine ; de l’enfer desquels, ainsi que l’a dit le poète,