Page:Darien - La Belle France.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Voilà pourquoi l’Anglais, en déclarant la Pauvreté un crime impardonnable, était autrement vrai, sincère et humain que Bossuet le malfaiteur dans son sermon sur « l’éminente dignité des Pauvres. »



Les hommes sont si bêtes qu’une violence répétée finit par leur paraître un droit.
Helvétius.

Si vous donnez à un pauvre (particulièrement un pauvre français) un coup de pied au derrière, il fait mine de se rebiffer ; si vous lui en donnez un second, il sourit ; si vous lui en donnez un troisième, il en demande une demi-douzaine. Refusez-les lui, ou il vous en réclamera d’autres. Les lois qui enserrent les pauvres et les claquemurent dans leur misère sont nombreuses ; mais les abus qui se sont greffés sur ces lois, et qu’ils acceptent, sont plus nombreux encore. Il n’y a pas d’humiliations auxquelles ne les soumette la charité ; et ils la vénèrent. Il n’y a pas d’excès auxquels l’État ne se soit livré contre eux ; et ils attendent tout de sa justice.

La Justice est la charité officielle ; et la Charité est la justice officieuse. Ce sont deux emplâtres sur la cangue qui immobilise le désespoir des misérables. Il arrive quelquefois que la meule qui écrase les déshérités les uns après les autres fait trop de bruit, et qu’on entend trop distinctement craquer les os qu’elle broie. Alors, la Justice engage les princes des Philistins à modérer l’énergie de l’aveugle Samson du prolétariat qu’ils ont à leur service et qui tourne, dans son inconscience douloureuse, l’effroyable instrument de torture ; les princes des Philistins font la sourde oreille ; et la Justice, qui sait qui la fait vivre, n’insiste point. Elle appelle la Charité et lui demande de graisser le pivot de la machine ; la Charité s’empresse ; même, les princes des Philistins lui apportent de l’huile, qu’ils