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nologiques, et que des générations d’épigraphistes auront fait parler tout ce peuple de témoins enfouis encore à l’heure présente à Carthage, à Ninive, à Hamath, à Saba, et sur toute l’étendue de la vieille terre sémitique.

Une fois établis en Palestine et constitués en nation, une révolution se fait lentement à l’intérieur de l’idolâtrie primitive, transformation religieuse parallèle à la transformation politique. Les Hébreux, à mesure qu’ils s’organisent en nation, s’assurent un dieu national, font contrat avec lui, l’opposent aux dieux nationaux des peuples voisins. Ce dieu national, cet Élohim, ne diffère pas encore essentiellement de ses voisins, ni par les attributs qu’on lui prête, ni par le culte qu’on lui rend : il n’est pas encore la négation des autres dieux, ce n’est pas encore le dieu du monde, c’est le dieu d’Israel. Quand a commencé cette révolution ? Est-ce dès l’instant où Israel a pris conscience de son existence personnelle, c’est-à-dire dès la sortie d’Égypte, ou bien quand il a constitué son existence nationale, c’est-à-dire avec la royauté ? Et le nom de Moïse, que les souvenirs historiques d’Israel attachent à la sortie d’Égypte et à la première organisation de la nation, doit-il se lier aussi au premier mouvement de la transformation religieuse, ou si ce n’est que plus tard que l’instinct profond de la légende, l’évolution religieuse une fois achevée, l’a rattaché en arrière à la première heure de cette évolution politique, qui avait donné le premier branle à la pensée d’Israel ? Quoi qu’il en soit, cette évolution religieuse fut lente et dura des siècles : toute l’histoire de la royauté n’est qu’une lutte continue, souvent sanglante, entre le dieu national et les dieux étrangers, qui ne sont longtemps[1] que les prête-noms du parti national et du

  1. Jusqu’au moment où Babylone entre en scène.