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Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 2, 1868.djvu/251

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SÉLECTION

blancs qu’on tient en Russie dans les garennes, que leur couleur est désavantageuse et les expose plus à être attaqués, parce qu’on peut dans les nuits claires les voir à une grande distance. Dans le Kent, un propriétaire, qui avait essayé de peupler ses bois avec une variété de lapin très-robuste mais presque blanche, explique de la même manière sa prompte disparition. Il suffit de suivre un chat blanc rôdant autour de sa proie, pour s’apercevoir bientôt des désavantages que lui occasionne sa couleur.

La cerise de Tatarie blanche est moins promptement attaquée par les oiseaux que les autres variétés, soit que par sa couleur elle se confonde avec les feuilles, soit que de loin elle paraisse n’être pas mûre. La framboise jaune, qui se reproduit généralement de graine, est très-peu attaquée par les oiseaux, qui paraissent en faire peu de cas ; on peut donc se dispenser de l’entourer de filets, comme on est obligé de le faire pour les framboises rouges[1]. Cette immunité, profitable pour le jardinier, ne serait, dans l’état de nature, avantageuse ni au framboisier ni au cerisier précités, car leur dissémination dépend surtout des oiseaux. J’ai remarqué pendant plusieurs hivers quelques arbres du houx à baies jaunes, qui avaient été levés de la graine d’un arbre sauvage trouvé par mon père, et qui demeuraient toujours couverts de fruits, tandis qu’il ne restait pas une baie rouge sur les arbres voisins de l’espèce ordinaire. Une personne de ma connaissance possède dans son jardin un sorbier (Pyrus aucuparia) dont les baies, quoique de la couleur habituelle, sont toujours dévorées par les oiseaux avant celles de tous les autres arbres. Cette variété du sorbier se trouverait donc plus facilement disséminée, et la variété à baies jaunes du houx le serait moins que les variétés ordinaires de ces deux arbres.

Outre la couleur, d’autres différences insignifiantes peuvent quelquefois avoir de l’importance pour les plantes cultivées, et en auraient une très-grande si, livrées à elles-mêmes, elles avaient à lutter pour leur existence contre de nombreux concurrents. Les pois à gousses minces, nommés Pois sans parchemin, sont beaucoup plus attaqués par les oiseaux que

  1. Transact. Hort. Soc., vol. I, 2e série, 1835, p. 275. — Framboises, Gard. Chronicle, 1855, p. 154 ; et 1863, p. 245.