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Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 2, 1868.djvu/287

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CAUSES

mais nous n’en avons pas de preuves suffisantes. D’autre part, la reproduction consanguine, lorsqu’elle n’est pas poussée à un degré extrême, et au point de devenir nuisible, bien loin de déterminer la variabilité, tend au contraire à fixer les caractères de chaque race.

Une croyance autrefois très-répandue, et que quelques personnes partagent encore, est que l’imagination de la mère peut affecter l’enfant qu’elle porte dans son sein[1]. Cette idée n’est évidemment pas applicable aux animaux inférieurs qui pondent des œufs non fécondés, ni aux plantes. Mon père tient du Dr William Hunter que, pendant bien des années, dans un grand hôpital d’accouchements de Londres, on interrogeait chaque femme avant ses couches, pour savoir si quelque chose de nature à impressionner vivement son esprit, lui était arrivé pendant sa grossesse, et la réponse était enregistrée. On n’a pas une seule fois pu trouver la moindre coïncidence entre les réponses des femmes et les cas d’anomalies qui se sont présentés ; mais souvent, après avoir eu connaissance de la nature de l’anomalie, elles indiquaient alors une autre cause. Cette croyance à la puissance de l’imagination de la mère provient peut-être de cas d’enfants d’un second mariage ressemblant au premier père, ce qui certainement a quelquefois lieu, ainsi que nous l’avons vu au onzième chapitre.

Du croisement comme cause de variabilité. — Nous avons déjà vu que Pallas[2] et quelques autres naturalistes soutenaient que la variabilité est entièrement due au croisement. Si on veut dire par là que de nouveaux caractères spontanés n’apparaissent jamais chez nos races domestiques, mais que tous doivent être dérivés de certaines espèces primitives, la doctrine est à peu près absurde ; car elle impliquerait que des formes comme le lévrier d’Italie, les mops, les bouledogues, les pigeons Grosse-gorge et Paons, etc., ont pu exister à l’état de nature. Mais elle peut avoir une signification toute différente, à savoir que le croisement d’espèces distinctes est la seule cause de l’apparition de nouveaux caractères, et que, sans son aide, l’homme n’aurait pas pu former ses diverses races. Comme

  1. Müller, donne des arguments concluants contre cette manière de voir dans sa Physiologie, 1842, t. II, p. 545. (Trad. française.)
  2. Acta Acad. Saint-Pétersbourg, 1780, part. II, p. 84, etc.