Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/102

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rales se développent et se confondent les unes avec les autres.

J’ai l’intention de démontrer dans ce chapitre qu’il n’existe aucune différence fondamentale entre l’homme et les mammifères les plus élevés, au point de vue des facultés intellectuelles. Je suis forcé de traiter brièvement ici les principaux côtés de ce sujet, dont chacune aurait pu faire l’objet d’un chapitre séparé. Aucune classification des facultés intellectuelles n’a encore été universellement adoptée ; je disposerai donc mes remarques dans l’ordre qui convient le mieux au but que je me propose, en choisissant les faits qui m’ont le plus frappé, avec l’espoir qu’ils produiront quelque effet sur l’esprit de mes lecteurs.

Certains faits prouvent que les facultés intellectuelles des animaux placés très bas sur l’échelle sont plus élevées qu’on ne le croit ordinairement ; je me réserve de signaler ces faits lorsque j’aborderai l’étude de la sélection sexuelle. Je me contenterai de citer ici quelques exemples de la variabilité des facultés chez les individus appartenant à une même espèce, ce qui constitue pour nous un point important. Mais il serait superflu d’entrer dans de trop longs détails sur ce point, car mes recherches m’ont amené à reconnaître que tous ceux qui ont longuement étudié des animaux de bien des espèces, y compris les oiseaux, pensent unanimement que les individus diffèrent beaucoup au point de vue de leurs facultés intellectuelles. Il serait tout aussi inutile de rechercher comment ces facultés se sont, dans le principe, développées chez les formes inférieures, que de rechercher l’origine de la vie. Ce sont là problèmes réservés à une époque future encore bien éloignée, si toutefois l’homme parvient jamais à les résoudre.

L’homme possède les mêmes sens que les animaux, ses intuitions fondamentales doivent donc être les mêmes. L’homme et les animaux ont quelques instincts communs : l’amour de la vie, l’amour sexuel, l’amour de la mère pour ses petits nouveau-nés, l’aptitude de ceux-ci pour téter, et ainsi de suite. L’homme, cependant, a peut-être moins d’instincts que n’en possèdent les animaux qui, dans la série, sont ses plus proches voisins. L’orang, dans les îles de la Sonde, et le chimpanzé, en Afrique, construisent des plates-formes où ils se couchent pour dormir ; les deux espèces ont une même habitude, on peut donc en conclure que c’est là un fait dû à l’instinct, mais nous ne pouvons affirmer qu’il ne résulte pas de ce que ces deux espèces d’animaux ont éprouvé les mêmes besoins et possèdent les mêmes facultés de raisonnement. Ces singes, ainsi que nous pouvons l’admettre, savent reconnaître les nombreux fruits vénéneux des tropiques, faculté que l’homme ne possède