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sidence n’amena aucun résultat. La maladie et la mort poursuivaient encore ces malheureux et, en 1864, il ne restait plus qu’un homme (qui mourut en 1869) et trois femmes adultes. La perte de la fécondité chez la femme est un fait encore plus remarquable que la tendance à la maladie et à la mort. À l’époque où il ne restait plus que 9 femmes à la baie d’Oyster, elles dirent à M. Bonwick (p. 386) que deux d’entre elles seulement avaient eu des enfants et, entre elles deux, elles n’avaient donné le jour qu’à trois enfants !

Le Dr Story cherche à approfondir les causes de cet état de choses ; il fait remarquer que les efforts tentés pour civiliser les sauvages amènent invariablement leur mort. « Si on les avait laissés errer à loisir comme ils en avaient l’habitude, ils auraient élevé plus d’enfants et on aurait constaté chez eux une mortalité moins grande. » M. Davis, qui a aussi étudié avec beaucoup de soin les habitudes des sauvages, fait de son côté les remarques suivantes : « Les naissances ont été fort restreintes et les décès nombreux. Cet état de choses a dû provenir en grande partie du changement apporté à leur mode de vie et à la nature de leur alimentation ; mais, plus encore, du premier changement de résidence qu’on leur a imposé et des regrets profonds qui ont dû en être la conséquence. » (Bonwick, pp. 388, 390.)

On a observé des faits analogues dans deux parties très différentes de l’Australie. M. Gregory, le célèbre explorateur, a affirmé à M. Bonwick, que, dans la colonie de Queensland, « on constate, même dans les parties les plus récemment colonisées, une diminution des naissances chez les indigènes et qu’en conséquence le nombre de ces derniers décroîtra bientôt dans de vastes proportions ». Douze indigènes sur treize, originaires de la baie du Requin, qui vinrent s’établir sur les bords du fleuve Murchison, moururent de la poitrine pendant les premiers trois mois[1].

M. Fenton, dans un admirable rapport auquel, sauf une exception, j’emprunte tous les faits qui vont suivre, a étudié avec soin la progression et les causes de la diminution des Maories de la Nouvelle-Zélande[2]. Tous les observateurs, y compris les indigènes eux-mêmes, admettent que, depuis 1830, les Maories diminuent en nombre et que cette diminution s’accentue chaque jour. Bien qu’on n’ait pu jusqu’à présent procéder au recensement exact des indi-

  1. Bonwick, Daily Life of the Tasmanians, 1870, p. 90 ; The last of the Tasmanians, 1870, p. 386.
  2. Observations on the Aboriginal inhabitants of New Zealand ; publié par ordre du gouvernement, 1859.