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différentes, et il n’a trouvé que 319 mâles. Fritz Müller a des raisons de croire que, chez quelques autres formes (les Tanais et les Cypris), le mâle vit moins longtemps que la femelle, ce qui, même en cas d’égalité primitive dans le nombre des individus des deux sexes, expliquerait la rareté des mâles. D’autre part, sur les côtes du Brésil, le même naturaliste a toujours capturé infiniment plus de mâles que de femelles de Diastylides et de Cypridines ; c’est ainsi qu’une espèce de ce dernier genre lui a fourni 37 mâles sur 63 individus pris le même jour ; mais il suggère que cette prépondérance peut être due à quelque différence inconnue dans les habitudes des deux sexes. Chez un crabe brésilien plus élevé, un Gelasimus, Fritz Müller a constaté que les mâles sont plus nombreux que les femelles. M. M. C. Spence Bate, qui a une longue expérience à cet égard, m’a affirmé que chez six crustacés communs de nos côtes de l’Angleterre dont il m’a indiqué les noms, les femelles sont, au contraire, plus nombreuses que les mâles.


Influence de la sélection naturelle sur la proportion des mâles et des femelles. – Nous avons raison de croire que, dans quelques cas, l’homme au moyen de la sélection a exercé une influence indirecte sur la faculté qu’il a de produire des enfants de l’un ou l’autre sexe. Certaines femmes, pendant toute leur vie, engendrent plus d’enfants d’un sexe que de l’autre ; la même loi s’applique à beaucoup d’animaux, aux vaches et aux chevaux par exemple ; ainsi M. Wright m’apprend qu’une de ses juments arabes, couverte sept fois par différents chevaux, a produit sept juments. Bien que j’aie fort peu de renseignements à cet égard, l’analogie me porte à conclure que la tendance à produire l’un ou l’autre sexe est héréditaire comme presque tous les autres caractères, la tendance à produire des jumeaux, par exemple. M. J. Downing, une excellente autorité, m’a communiqué certains faits qui semblent prouver que cette tendance existe certainement chez certaines familles de bétail courtes cornes. Le colonel Marshall[1], après avoir étudié avec soin les Todas, tribu montagnarde de l’Inde, a trouvé qu’il existe chez eux 112 mâles et 84 femelles de tout âge, soit une proportion de 133,3 mâles pour 100 femelles. Les Todas, qui observent la polyandrie, tuaient autrefois les enfants femelles ; mais ils ont abandonné cette pratique depuis un temps considérable. Chez les enfants nés pendant ces dernières années, les garçons sont plus nombreux que les filles, dans la proportion de 124 à 100. Le colonel Marshall explique ingénieusement ce fait ainsi qu’il suit : « Supposons, par exemple, que trois familles représentent la moyenne de la tribu entière ; supposons qu’une mère engendre six filles et pas de fils ; la seconde mère engendre six fils seulement et la troisième mère trois fils et

  1. The Todas, 1873, pp. 100, 111, 194, 196.