Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/429

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ne sont guère plus richement colorées que la peau nue et les caroncules de certains oiseaux. Chez l’homme civilisé, toutefois, le sens du beau constitue évidemment un sentiment beaucoup plus complexe, en rapport avec diverses idées intellectuelles.

Avant d’aborder l’étude des caractères qui doivent plus particulièrement nous occuper ici, il me faut signaler certaines distinctions entre les sexes, distinctions qui découlent évidemment de différences dans les habitudes d’existence, car les cas fréquents dans les classes inférieures deviennent rares dans les classes plus élevées. On a cru pendant longtemps que deux oiseaux-mouches du genre Eustephanus, habitant l’île Juan-Fernandez, appartenaient à des espèces distinctes ; mais on sait aujourd’hui, d’après M. Gould, que ce sont les mâles et les femelles de la même espèce qui diffèrent légèrement par la forme du bec. Dans un autre genre d’oiseaux-mouches (Grypus), le bec du mâle est dentelé sur le bord et crochu à son extrémité, différant ainsi beaucoup de celui de la femelle. Chez le Neomorpha de la Nouvelle-Zélande, on remarque une différence plus considérable encore dans la forme du bec, conséquence de l’alimentation différente du mâle et de la femelle. On peut observer quelque chose d’analogue chez le chardonneret (Carduelis elegans) ; M. J. Jenner Weir assure, en effet, que les chasseurs reconnaissent les mâles à leur bec légèrement plus long. Les bandes de mâles se nourrissent ordinairement des graines du cardère (Dipsacus), qu’ils peuvent atteindre avec leur bec allongé, tandis que les femelles se nourrissent plus habituellement des graines de la bétoine, ou de Scrophularia. En prenant pour point de départ une légère différence de cette nature, on peut admettre que la sélection naturelle finisse par produire des différences considérables dans le bec des mâles et des femelles. Il se peut toutefois que, dans les exemples que nous venons de citer, les mâles aient d’abord acquis ces becs modifiés comme instrument de combat et que ces modifications aient ensuite provoqué de légers changements dans leurs habitudes d’existence.


Loi du combat. — Presque tous les oiseaux mâles sont très-belliqueux ; ils se servent pour se battre de leur bec, de leurs ailes et de leurs pattes. Nos rouges-gorges et nos moineaux communs se livrent chaque printemps des combats acharnés. Le plus petit de tous les oiseaux, l’oiseau-mouche, est un des plus querelleurs. M. Gosse[1] décrit un combat auquel il a assisté : deux oiseaux-

  1. Cité par Gould, Introd. to the Trochilidæ, 1861, p. 20.