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susceptibles d’un développement ultérieur. Les organes rudimentaires sont éminemment variables, fait qui se comprend, puisque, étant inutiles ou à peu près, ils ne sont plus soumis à l’action de la sélection naturelle. Ils disparaissent souvent entièrement ; mais, dans ce cas, ils reparaissent quelquefois par suite d’un effet de retour, fait qui mérite toute notre attention.

Les principales causes qui paraissent provoquer l’état rudimentaire des organes sont le défaut d’usage, surtout pendant l’état adulte, alors que, au contraire, l’organe devrait être exercé, et l’hérédité à une période correspondante de la vie. L’expression « défaut d’usage » ne s’applique pas seulement à l’action amoindrie des muscles, mais comprend une diminution de l’afflux sanguin vers un organe soumis à des alternatives de pression plus rares, ou devenant, à un titre quelconque, habituellement moins actif. On peut observer chez un sexe les rudiments de parties présentes normalement chez l’autre sexe ; ces rudiments, ainsi que nous le verrons plus tard, résultent souvent de causes distinctes de celles que nous venons d’indiquer. Dans quelques cas, la sélection naturelle intervient pour réduire des organes devenus nuisibles à une espèce, par suite de changements dans ses habitudes. Il est probable que la compensation et l’économie de croissance interviennent souvent à leur tour pour hâter cette diminution de l’organe ; toutefois, on s’explique difficilement les derniers degrés de diminution qui s’observent après que le défaut d’usage a effectué tout ce qu’on peut raisonnablement lui attribuer, et que les résultats de l’économie de croissance ne sont plus que très insignifiants[1]. La suppression complète et finale d’une partie, déjà très réduite et devenue inutile, cas où ne peuvent entrer en jeu ni la compensation ni l’économie de croissance, peut se comprendre par l’hypothèse de la pangenèse, et ne peut guère même s’expliquer autrement. Je n’ajouterai rien de plus sur ce point, ayant, dans mes ouvrages précédents[2] discuté et développé avec amples détails tout ce qui a trait aux organes rudimentaires.

On a observé, sur de nombreux points du corps humain[3], les

  1. Quelques excellentes critiques sur ce sujet ont été faites par MM. Murie et Mivart. (Trans. Zool. Soc., 1869, vol. VII, p. 92.)
  2. Variation des animaux et des plantes, etc., vol. II. p. 335 et 423 (édit. française). Voir aussi, Origine des espèces, p. 471.
  3. M. Richard (Annales des sciences nat. 3e sér., Zoologie, 1852, t. XVIII. p. 13) décrit et figure des rudiments de ce qu’il appelle le muscle pédieux de la main, qu’il dit être quelquefois infiniment petit. Un autre muscle, le tibial postérieur, fait ordinairement défaut dans la main, mais apparaît de temps en temps sous une forme plus ou moins rudimentaire.