Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/549

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sont « complètement différentes » lorsqu’elles portent leurs plumes d’été, mais qu’il est presque impossible de les distinguer en hiver. Le premier plumage des jeunes de ces trois espèces ressemble beaucoup à celui que les adultes revêtent pendant l’hiver. Le cas est d’autant plus intéressant qu’il existe deux autres espèces d’Ardeola chez lesquelles les individus des deux sexes conservent, hiver comme été, un plumage à peu près semblable à celui que les trois espèces précédentes portent pendant l’hiver et le jeune âge ; or ce plumage, commun à plusieurs espèces distinctes à différents âges et pendant différentes saisons, nous indique probablement quelle était la coloration de l’ancêtre du genre. Dans tous ces cas, le plumage nuptial, probablement acquis dans l’origine par les mâles pendant la saison des amours, et transmis à la saison correspondante aux adultes des deux sexes, est celui qui a subi des modifications, tandis que le plumage d’hiver et celui du jeune âge n’en ont subi aucune.

On se demandera, naturellement, comment il se fait que, dans ces derniers cas, le plumage d’hiver des deux sexes, et dans les cas précédents celui des femelles adultes, ainsi que le premier plumage des jeunes, n’aient subi aucune modification ? Les espèces représentatives habitant des pays différents ont dû presque toujours être exposées à des conditions un peu différentes ; mais nous ne pouvons guère attribuer la modification du plumage des mâles seuls à l’action de ces conditions, puisqu’elles n’ont en aucune façon affecté celui des jeunes et des femelles, bien que tous deux y fussent également exposés. La différence étonnante qui existe entre les mâles et les femelles de beaucoup d’oiseaux est peut-être, de tous les faits de la nature, celui qui nous démontre le plus clairement combien peu a d’importance l’action directe des conditions d’existence comparativement à ce que peut effectuer l’accumulation indéfinie de variations mises en jeu par la sélection ; car les mâles et les femelles ont absorbé les mêmes aliments, et subi les influences du même climat. Néanmoins il n’y a là rien qui nous empêche de croire que, dans le cours du temps, de nouvelles conditions d’existence ne puissent produire un certain effet direct soit sur les individus des deux sexes, soit sur ceux d’un seul sexe, en conséquence de quelques particularités constitutionnelles ; nous voyons seulement que ces effets restent, comme importance, subordonnés aux résultats accumulés de la sélection. Cependant, lorsqu’une espèce émigre dans un pays nouveau, fait qui doit précéder la formation des espèces représentatives, le changement des conditions auxquelles cette espèce aura presque toujours dû être exposée doit