Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/633

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moins distinctes l’hiver, alors que le pelage devient plus foncé et que les cornes acquièrent leur entier développement. Chez le Cerf cochon (Hyelaphus porcinus), les taches, très-apparentes pendant l’été, alors que la robe est brun rougeâtre, disparaissent entièrement à l’hiver, cette robe révélant une teinte brune[1]. Les jeunes des deux espèces sont tachetés. Chez le Cerf de Virginie, les jeunes sont également tachetés, et Judge Caton m’informe qu’environ cinq pour cent des adultes qu’il possède dans son parc, portent temporairement sur chaque flanc, à l’époque où la robe rouge va être remplacée par la robe plus bleuâtre de l’hiver, une ligne de taches en nombre toujours égal, bien que très-variables quant à la netteté. De cet état à l’absence complète de taches chez les adultes pendant toutes les saisons, et, enfin, comme cela arrive chez certaines espèces, à leur absence, à tous les âges, il n’y a qu’une très-faible distance. L’existence de cette série parfaite, et surtout le fait du tachetage des faons d’un aussi grand nombre d’espèces, nous permettent de conclure que les individus actuels de la famille des cerfs descendent de quelque espèce ancienne qui, comme l’Axis, était tachetée à tout âge et en toute saison. Un ancêtre, encore plus ancien, a probablement dû ressembler jusqu’à un certain point au Hyomoschus aquaticus, car cet animal est tacheté, et les mâles, qui ne portent pas de cornes, ont de grandes canines saillantes dont quelques vrais cerfs ont encore conservé les rudiments. L’Hyomoschus aquaticus offre aussi un de ces cas intéressants d’une forme rattachant deux groupes : il est, par certains caractères ostéologiques, intermédiaire entre les pachydermes et les ruminants, qu’on croyait autrefois tout à fait distincts[2].

Ici se présente une difficulté curieuse. Si nous admettons que les taches et les raies de couleur aient été acquises dans un but d’ornementation, comment se fait-il que tant de cerfs actuels, descendant d’un animal primitivement tacheté, et toutes les espèces de porcs et de tapirs, descendant d’un animal primitivement rayé, aient perdu à l’état adulte leurs ornements d’autrefois ? Je ne puis répondre à cette question d’une manière satisfaisante. Il est à peu près certain que les taches et les raies ont disparu chez les ancêtres de nos espèces actuelles, alors qu’ils étaient à l’état adulte ou à peu près, de sorte qu’elles ont été conservées par les jeunes, et,

  1. Docteur Gray, Gleanings, etc., p. 64. M. Blyth (Land and Water, 1869, p. 42), parlant du Cerf cochon de Ceylan, dit qu’il est, dans la saison où il renouvelle ses cornes, beaucoup plus brillamment tacheté de blanc que l’espèce ordinaire.
  2. Falconer et Cautley, Proc. Geolog. Soc., 1848 ; et Falconer, Pal. Memoirs, vol. I, p. 196.