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Tartares, sont fort laids[1]. Voici un cas plus curieux : les prêtresses attachées au temple de Vénus Erycina à San Giuliano, en Sicile, étaient choisies dans toute la Grèce entre les plus belles femmes ; n’étant pas assujetties aux mêmes obligations que les vestales, il en est résulté, suivant de Quatrefages[2], qu’aujourd’hui encore les femmes de San Giuliano sont célèbres comme les plus belles de l’île et recherchées comme modèles par les artistes. Les preuves cependant sont évidemment douteuses dans les deux cas que nous venons de citer.

Le cas suivant, bien qu’ayant trait à des sauvages, mérite d’être rapporté comme très-curieux. M. Winwood Reade m’apprend que les Jollofs, tribu nègre de la côte occidentale d’Afrique, « sont remarquables par leur beauté. » Un des amis de M. W. Reade ayant demandé à l’un de ces nègres : « Comment se fait-il que vous ayez tous si bonne façon, non seulement vos hommes, mais aussi vos femmes ? » Le Jollof répondit : « C’est facile à comprendre : nous avons toujours eu l’habitude de vendre nos esclaves les plus laides. » Il est inutile d’ajouter que, chez tous les sauvages, les femmes esclaves servent de concubines. Que ce nègre ait, à tort ou à raison, attribué la belle apparence des hommes de sa tribu à une élimination longtemps continuée des femmes laides, n’est pas si étonnant que cela peut paraître tout d’abord, car j’ai prouvé ailleurs[3] que les nègres apprécient pleinement l’importance de la sélection dans l’élevage de leurs animaux domestiques, fait pour lequel je pourrais emprunter à M. Reade de nouvelles preuves.


Sur les causes qui empêchent et limitent l’action de la sélection sexuelle chez les sauvages. — Les causes principales sont : premièrement, la promiscuité ; secondement, l’infanticide, surtout du sexe féminin ; troisièmement, les fiançailles précoces ; enfin, le peu de cas qu’on fait des femmes, qui sont considérées comme de simples esclaves. Ces quatre points méritent d’être examinés avec quelques détails.

Si l’accouplement de l’homme ou de tout autre animal est une simple affaire de hasard, sans que l’un des deux sexes fasse un choix, il est évident que la sélection sexuelle ne peut intervenir ; la réussite plus complète de certains individus ne produira aucun effet sur

  1. Ces citations sont prises dans Lawrence (Lectures on Physiology, etc., p. 393, 1822), qui attribue la beauté des classes supérieures, en Angleterre, au fait que les hommes ont longtemps choisi les femmes les plus belles.
  2. Anthropologie., Rev. des Cours scientifiques, p. 721. Oct. 1868.
  3. De la Variation, etc., vol. I, p. 219 (trad. franc., 1868).