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NOTE SUPPLÉMENTAIRE


SUR LA SÉLECTION SEXUELLE DANS SES RAPPORTS AVEC LES SINGES


(Publiée dans Nature, Londres, le 2 novembre 1876, page 18).


Aucun point ne m’a plus intéressé et je puis ajouter ne m’a plus embarrassé dans la discussion de la sélection sexuelle, quand j’écrivais la Descendance de l’homme, que les couleurs brillantes qui décorent les extrémités postérieures et les parties adjacentes du corps de certains singes. Ces parties sont plus brillamment colorées chez un sexe que chez l’autre, et deviennent plus brillantes encore pendant la saison des amours ; je me crus donc autorisé à conclure que les singes avaient acquis ces couleurs comme moyen d’attraction sexuelle. Je comprenais parfaitement qu’en adoptant cette conclusion je m’exposais à un certain ridicule, bien qu’en fait il n’y ait rien de plus surprenant à ce qu’un singe fasse étalage de son derrière rouge brillant qu’un paon de sa queue magnifique. Toutefois, à cette époque, je n’avais pas la preuve directe que les singes fissent étalage de cette partie de leur corps pendant qu’ils courtisent la femelle ; or, quand il s’agit des oiseaux, cet étalage constitue la meilleure preuve que les ornements des mâles leur rendent service pour attirer ou pour exciter la femelle. J’ai lu dernièrement un article de Joh. von Fischer, de Gotha, publié dans Der Zoologische Garten, Avril 1876, sur l’attitude des singes au cours de diverses émotions ; cet article mérite l’attention de quiconque s’intéresse à ce sujet, et prouve que l’auteur est un observateur habile et consciencieux. Von Fischer décrit l’attitude d’un jeune mandrill mâle placé pour la première fois devant un miroir, et il ajoute qu’au bout de quelques minutes il se retourna et présenta au miroir son derrière rouge. En conséquence, j’écrivis à M. Fischer pour lui demander ce qu’il pensait de cet acte étrange, et il a bien voulu me répondre deux longues lettres pleines de détails nouveaux et très-curieux. Il me dit que cet acte l’étonna tout d’abord, et qu’en conséquence il observa avec soin l’attitude de plusieurs individus appartenant à d’autres espèces de singes qu’il élève chez lui. Non-seulement le mandrill (Cynocephalus mormon), mais le drill (C. leucophœus), et trois autres espèces de babouins (C. hamadryas, sphinx et babouin), le Cynopithecus niger, le Macacus rhesus et le Menestrinus tournent vers lui, quand ils sont de bonne humeur, cette partie de leur corps qui, chez toutes ces espèces, affecte des couleurs plus ou moins brillantes, et la tournent aussi vers d’autres personnes quand ils veulent leur faire un bon accueil. Il s’est efforcé,