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cellent exemple de ce fait, car, ainsi que l’a démontré M. Hunter[1], ils ont considérablement augmenté depuis l’introduction de la vaccine, depuis que d’autres épidémies ont été atténuées, et que la guerre a été strictement supprimée. Cette augmentation n’aurait toutefois pas été possible si ces populations grossières ne s’étaient répandues dans les districts voisins pour travailler à gages. Les sauvages se marient presque toujours, avec cette restriction qu’ils ne le font pas ordinairement dès l’âge où le mariage est possible. Les jeunes gens doivent prouver d’abord qu’ils sont en état de nourrir une femme, et doivent gagner la somme nécessaire pour acheter la jeune fille à ses parents. La difficulté qu’ont les sauvages à se procurer leur subsistance limite, à l’occasion, leur nombre d’une manière bien plus directe que chez les peuples civilisés, car les membres de toutes les tribus ont périodiquement à souffrir de rigoureuses famines pendant lesquelles, forcés de se contenter d’une détestable alimentation, leur santé ne peut qu’être très compromise. On a signalé de nombreux exemples de la saillie de l’estomac des sauvages et de l’émaciation de leurs membres pendant et après les disettes. Ils sont alors contraints à beaucoup errer, ce qui amène la mort de nombreux enfants, comme on me l’a assuré en Australie. Les famines étant périodiques et dépendant principalement des saisons extrêmes, toutes les tribus doivent éprouver des fluctuations en nombre. Elles ne peuvent pas régulièrement et constamment s’accroître, en l’absence de tout moyen d’augmenter artificiellement la quantité de nourriture. Lorsqu’ils sont vivement pressés par le besoin, les sauvages empiètent sur les territoires voisins, et la guerre éclate ; il est vrai, d’ailleurs, qu’ils sont presque toujours en lutte avec leurs voisins. Dans leurs efforts pour se procurer des aliments, ils sont exposés à de nombreux accidents sur la terre et sur l’eau ; et, dans quelques pays, ils doivent avoir à souffrir considérablement des grands animaux féroces. Dans l’Inde même, il y a eu des districts dépeuplés par les ravages des tigres.

Malthus a discuté ces diverses causes d’arrêt, mais il n’insiste pas assez sur un fait qui est peut-être le plus important de tous : l’infanticide, surtout des enfants du sexe féminin, et l’emploi des pratiques tendant à procurer l’avortement. Ces dernières règnent actuellement dans bien des parties du globe, et, d’après M. M’Lennan[2], l’infanticide semble avoir existé autrefois dans des propor-

  1. W.-W. Hunter, The Annals of Rural Bengal, 1868, p. 259.
  2. Primitive Marriage, 1863.