Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/90

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sauvage ou du lièvre, ce qui peut être attribué à ce que, tenus en captivité pendant de nombreuses générations, les lapins domestiques ont peu exercé leur intelligence, leurs instincts, leurs sens et leur volonté.

Le poids et le volume croissants du cerveau et du crâne chez l’homme ont dû influer sur le développement de la colonne vertébrale qui les supporte, surtout alors qu’il tendait à se redresser. Pendant que s’effectuait ce changement d’attitude, la pression interne du cerveau a dû aussi influencer la forme du crâne, lequel, comme beaucoup de faits le prouvent, est facilement affecté par des actions de cette nature. Les ethnologistes admettent que le genre de berceau dans lequel on tient l’enfant peut modifier la forme du crâne. Des spasmes musculaires habituels et une cicatrice résultant d’une forte brûlure peuvent modifier d’une manière permanente les os de la face. Chez certains jeunes sujets dont la tête, à la suite d’une maladie, s’est fixée de côté ou en arrière, un des yeux a changé de position et la forme du crâne s’est modifiée ; ce qui paraît être le résultat d’une pression exercée par le cerveau dans une nouvelle direction[1]. J’ai démontré que, chez les lapins à longues oreilles, une cause aussi insignifiante que l’est, par exemple, la chute en avant d’un de ces organes, suffit pour entraîner dans la même direction presque tous les os du crâne, qui alors ne correspondent plus exactement à ceux du côté opposé. Enfin, si les dimensions générales d’un animal venaient à augmenter ou à diminuer beaucoup, sans aucun changement de son activité mentale, ou si celle-ci augmentait ou diminuait considérablement sans grands changements dans le volume du corps, la forme du crâne serait dans les deux cas certainement modifiée. C’est ce que j’ai dû conclure de mes observations sur les lapins domestiques ; quelques races sont devenues beaucoup plus grandes que l’animal sauvage, tandis que d’autres ont à peu près conservé la même taille, et, dans les deux cas cependant, le cerveau a beaucoup diminué relativement à la grosseur du corps. Je fus d’abord très surpris de trouver que, chez tous ces lapins, le crâne était devenu plus long ou dolichocéphale ; ainsi, j’ai examiné deux crânes offrant presque la même largeur, l’un provenait d’un lapin sauvage, l’autre d’une

  1. Shaaffhausen cite, d’après Blumenbach et Busch, des exemples des effets des spasmes et des cicatrices, Anthropological Review, p. 420, octobre 1868. Le docteur Jarrold (Anthropologia, 1808, pp. 115, 116) indique, d’après Camper et ses propres observations, des cas de modifications déterminées dans le crâne, par suite d’une position artificielle imposée à la tête. Il admet que certaines professions, telles que celle de cordonnier, en obligeant la tête à être toujours penchée en avant, tendent à rendre le front plus saillant et plus arrondi.