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BAHIA BLANCA.

comme celle des Pampas, selon le professeur Ehrenberg, huit infusoires d’eau douce et un infusoire d’eau salée ; il est donc probable que c’est là un dépôt formé dans un estuaire.

Les restes fossiles de Punta Alta se trouvaient enfouis dans du gravier stratifié et de la boue rougeâtre ressemblant exactement aux dépôts que la mer pourrait former actuellement sur une côte peu profonde. Auprès de ces fossiles j’ai retrouvé vingt-trois espèces de coquillages, dont treize récents et quatre autres très-proches voisins des formes récentes ; il est assez difficile de dire si les autres appartiennent à des espèces éteintes ou simplement inconnues, car on a fait peu de collections de coquillages dans ces parages. Mais, comme les espèces récentes se trouvent enfouies en nombre à peu près proportionnel à celles qui vivent aujourd’hui dans la baie, on ne peut guère douter, je crois, que ce dépôt n’appartienne à une période tertiaire fort récente. Les ossements du Scélidothérium, y compris même la rotule du genou, étaient enfouis dans leurs positions relatives ; la carapace osseuse du grand animal ressemblant au Tatou était dans un état parfait de conservation, ainsi que les os de l’une de ses jambes ; nous pouvons donc affirmer, sans craindre de nous tromper, que ces restes étaient récents et encore unis par leurs ligaments quand ils ont été déposés dans le gravier avec les coquillages. Ces faits nous fournissent la preuve que les quadrupèdes gigantesques ci-dessus énumérés, plus différents de ceux de l’époque actuelle que ne le sont les plus anciens quadrupèdes tertiaires de l’Europe, existaient à une époque où la mer contenait la plupart de ses habitants actuels. Nous trouvons là aussi une confirmation de la loi remarquable sur laquelle M. Lyell[1] a insisté si souvent, c’est-à-dire que « la longévité des espèces de mammifères est en somme inférieure à celle des espèces de mollusques. »

La grandeur des ossements des animaux mégathéroïdes, y compris le Mégathérium, le Mégalonyx, le Scélidothérium et le Mylodon, est réellement extraordinaire. Comment vivaient ces animaux ? Quelles étaient leurs habitudes ? Véritables problèmes pour les naturalistes jusqu’à ce que le professeur Owen[2] les eût dernièrement résolus avec une grande ingéniosité. Les dents indiquent par

  1. Principles of Geology, vol. IV, p. 40.
  2. Cette théorie a été développée pour la première fois dans la Zoologie du Voyage du Beagle, et subséquemment dans le mémoire du professeur Owen sur le Mylodon robustus.