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LE RIO TERCERO.

çois pour la première fois ce fleuve magnifique, le Parana. Au pied de la falaise sur laquelle est bâtie la ville, il y a plusieurs gros vaisseaux à l’ancre. Avant d’arriver à Rozario, nous traversons le Saladillo, rivière à l’eau pure et transparente, mais trop salée pour qu’on puisse la boire. Rozario est une grande ville, construite sur une plaine absolument plate, qui se termine par une falaise dominant le Parana d’environ 60 pieds. En cet endroit le fleuve est fort large, entrecoupé d’îles basses boisées, de même que la côte opposée. Le fleuve ressemblerait à un grand lac, n’était la forme des îles, qui seule suffit à donner l’idée de l’eau courante. Les falaises forment la partie la plus pittoresque du paysage ; quelquefois elles sont absolument perpendiculaires et rouge vif ; quelquefois, elles se présentent sous forme d’immenses masses brisées couvertes de cactus et de mimosas. Mais la vraie grandeur d’un fleuve immense comme l’est celui-ci vient de la pensée de son importance, au point de vue de la facilité qu’il procure aux communications et au commerce entre différentes nations ; et l’on est frappé d’admiration quand on pense de quelle énorme distance vient cette nappe d’eau douce qui coule à vos pieds et quel immense territoire elle draine.

Pendant bien des lieues au nord et au sud de San-Nicolas et de Rozario, le pays est réellement plat. On ne peut taxer d’exagération rien de ce que les voyageurs ont écrit au sujet de ce niveau parfait. Je n’ai jamais pu, cependant, trouver un seul endroit où, en tournant lentement, je n’aie pas distingué des objets à une distance plus ou moins grande ; or, cela prouve évidemment une inégalité du sol de la plaine. En mer, quand l’œil se trouve à 6 pieds au-dessus des vagues, l’horizon est à 2 milles et quatre cinquièmes de distance. De même, plus la plaine est de niveau, plus l’horizon approche de ces limites étroites ; or, selon moi, cela est suffisant pour détruire cet aspect de grandeur qu’on croirait devoir trouver dans une vaste plaine.

1er octobre. — Nous nous mettons en route par le clair de lune, et au lever du soleil nous arrivons au rio Tercero. On appelle aussi cette rivière le Saladillo, et elle mérite ce nom, car elle roule des eaux saumâtres. Je reste ici la plus grande partie de la journée à chercher des ossements fossiles. Outre une dent parfaite du Toxodon et plusieurs ossements épars, je trouve deux immenses squelettes qui, placés l’un près de l’autre, se détachent en relief sur la falaise perpendiculaire qui borde le Parana. Mais ces squelettes tombent en poussière, et je ne peux emporter que de petits