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INCRUSTATIONS SINGULIERES.

voisinage immédiat de l’île Saint-Paul. Cet amas de rochers est situé par 0° 58′ de latitude nord et 29° 15′ de longitude ouest ; il se trouve à 540 milles (865 kilomètres) de la côte d’Amérique et à 350 (560 kilomètres) de l’île de Fernando-Noronha. Le point le plus élevé de l’île Saint-Paul se trouve à 50 pieds seulement au-dessus du niveau de la mer ; la circonférence entière de l’île n’atteint pas trois quarts de mille. Ce petit point s’élève abruptement des profondeurs de l’Océan. Sa constitution minéralogique est fort complexe ; dans quelques endroits, le roc se compose de hornstein ; dans d’autres, de feldspath ; on y trouve aussi quelques veines de serpentine. Fait remarquable : toutes les petites îles qui se trouvent à une grande distance d’un continent dans le Pacifique, dans l’Atlantique ou dans l’océan Indien, à l’exception des îles Seychelles et de ce petit rocher, sont, je crois, composées de matières corallines ou de matières éruptives. La nature volcanique de ces îles océaniques constitue évidemment une extension de la loi qui veut qu’une grande majorité des volcans, actuellement en activité, se trouvent près des côtes ou dans des îles au milieu de la mer et résultent des mêmes causes, qu’elles soient chimiques ou mécaniques.

Les rochers de Saint-Paul, vus d’une certaine distance, sont d’une blancheur éblouissante. Cette couleur est due, en partie, aux excréments d’une immense multitude d’oiseaux de mer et, en partie, à un revêtement formé d’une substance dure, brillante, ayant l’éclat de la nacre, qui adhère fortement à la surface des rochers. Si on l’examine à la loupe, on s’aperçoit que ce revêtement consiste en couches nombreuses extrêmement minces ; son épaisseur totale se monte à environ un dixième de pouce. Cette substance contient des matières animales en grande quantité et sa formation est due, sans aucun doute, à l’action de la pluie et de l’écume de la mer. J’ai trouvé à l’Ascension et sur les petites îles Abrolhos, au-dessous de quelques petites masses de guano, certains corps affectant la forme de rameaux qui se sont évidemment formés de la même manière que le revêtement blanc de ces rochers. Ces corps ramifiés ressemblent si parfaitement à certaines nullipores (famille de plantes marines calcaires fort dures), que dernièrement, en examinant ma collection un peu à la hâte, je ne m’aperçus pas de la différence. L’extrémité globulaire des rameaux a la même conformation que la nacre, ou que l’émail des dents, mais elle est assez dure pour rayer le verre. Peut-être ne serait-il pas hors de propos de mentionner ici que,