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PASSE D’USPALLATA.

plaine, le lit du ruisseau était absolument à sec ; il devint graduellement un peu plus humide ; puis de petites flaques d’eau apparurent, elles finirent par se réunir et à Villa Vicencio nous nous trouvions en présence d’un joli petit ruisseau.

30 mars. — Tous les voyageurs qui ont traversé les Andes ont parlé de cette hutte isolée qui porte le nom imposant de Villa Vicencio. Je passe deux jours en cet endroit, dans le but de visiter quelques mines voisines. La géologie de cette région est fort curieuse. La chaîne d’Uspallata se trouve séparée de la Cordillère principale par une longue plaine étroite, bassin ressemblant à ceux que j’ai observés au Chili ; mais ce bassin est plus élevé, car il est situé à 6 000 pieds au-dessus du niveau de la mer. Cette chaîne occupe, par rapport à la Cordillère, à peu près la même position géographique que la chaîne gigantesque du Portillo, mais elle a une origine toute différente. Elle se compose de diverses espèces de laves sous-marines, alternant avec des grès volcaniques et d’autres dépôts sédimentaires remarquables ; le tout ressemble beaucoup à quelques-unes des couches tertiaires sur les côtes du Pacifique. Cette ressemblance me fit penser que je devais trouver des bois pétrifiés, qui ordinairement caractérisent ces formations. J’acquis bientôt la preuve que je ne m’étais pas trompé. Dans la partie centrale de la chaîne, à une altitude de 7 000 pieds, j’observai, sur un versant dénudé, quelques colonnes aussi blanches que la neige. C’étaient des arbres pétrifiés ; onze étaient convertis en silice et trente ou quarante autres en spath calcaire grossièrement cristallisé. Tous étaient brisés à peu près à la même hauteur, et ils s’élevaient de quelques pieds au-dessus de la surface du sol. Ces troncs d’arbres avaient chacun de trois à cinq pieds de circonférence. Ils se trouvaient à une petite distance les uns des autres, tout en formant un seul groupe. M. Robert Brown a été assez obligeant pour examiner ces bois ; selon lui, ils appartiennent à la tribu des pins ; ils ont les caractères de la famille des Araucariées, mais avec quelques singuliers points d’affinité avec l’if. Le grès volcanique dans lequel ces arbres sont enfouis, et sur la partie inférieure duquel ils ont dû pousser, s’est accumulé en couches successives autour de leur tronc, et la pierre garde encore l’empreinte de leur écorce.

Il n’est pas besoin de profondes connaissances en géologie pour comprendre les faits merveilleux qu’indique cette scène, et cependant, je l’avoue, je ressentis tout d’abord une telle surprise, que